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Vers une transition équitable

Les répercussions des changements climatiques sont de plus en plus difficiles à nier. Nous commençons à manquer de temps.

Vers une transition équitable

John Cartwright, conseil du travail de Toronto et de la région de York

La crise climatique mondiale est une réalité. Le Canada se réchauffe à un rythme deux fois plus rapide que le reste de la planète. Les répercussions des changements climatiques, comme les feux de forêt, les inondations, les canicules et les sécheresses, sont de plus en plus difficiles à nier. Nous commençons à manquer de temps pour effectuer une transition permanente vers une véritable économie à faibles émissions de carbone.

Au cours de la dernière année, les étudiant.e.s ont organisé des grèves scolaires mondiales et les villes et les pays ont déclaré des urgences climatiques. Néanmoins, en même temps, de nouvelles forces politiques ont lancé une contre-attaque importante contre le consensus atteint lors de l’Accord de Paris en 2015. Des lobbyistes de l’industrie des combustibles fossiles et des politicien.ne.s conservateur.ice.s veulent revenir en arrière, avec pour argument principal que l’économie souffrira si nous essayons de sauver l’environnement. Ce ne sera pas le cas si nous utilisons nos compétences et nos connaissances pour planifier une économie durable et à faibles émissions de carbone. Tout dépend des choix que nous faisons.

Il y a un dicton dans le mouvement ouvrier à propos de la manière dont notre société répond au changement : « La transition est assurée. La justice ne l’est pas. » Pour éviter les villes fantômes et les salaires de misère, nous devons placer le principe de la transition équitable au cœur de tout plan d’action climatique. Il existe de nombreux exemples d’injustices découlant de restructurations économiques, mais les technologies perturbatrices actuelles sont en voie de déplacer beaucoup plus de populations et de changer beaucoup plus d’emplois que toutes les réglementations environnementales ne le feront jamais.

À l’échelle internationale, on adopte graduellement le concept d’une transition équitable pour les travailleur.euse.s et les communautés. Cette année, le groupe de travail canadien pour une transition équitable a publié un rapport recommandant une diminution graduelle de la production d’électricité au charbon tout en soutenant les travailleur.euse.s et communautés affectées.

Il n’y a aucun doute : modifier notre économie nécessitera beaucoup d’efforts, mais il existe déjà des exemples pour nous guider. Il y a quarante ans, les syndicats canadiens ont entrepris la création d’un mouvement de santé et sécurité au travail pour diminuer les accidents et les décès en milieu de travail, qui étaient jusque là considérés comme une inévitabilité. Nous avons dû confronter les employeur.euse.s et les politicien.ne.s, éduquer nos membres, militer pour des réglementations et obtenir des lois pour la création de comités de santé et de sécurité au travail. Grâce à des allié.e.s dans le domaine médical et à des employeur.euse.s conscientisé.e.s, nous avons réussi à réduire considérablement les accidents mortels et les maladies professionnelles.

Dans les années 90, le domaine de la construction à Toronto a fait face à un taux élevé de chômage en raison de l’effondrement du marché immobilier. Les employé.e.s ont donc soutenu un programme gouvernemental novateur d’amélioration du rendement énergétique des immeubles déjà construits. Les travailleur.euse.s sont retourné.e.s au travail et les maîtres d’œuvre et les cabinets de conception se sont adapté.e.s au nouvelles tâches requises pour faire de ce programme un succès. Depuis sa création, le programme Better Buildings a offert des années d’emploi à 45 000 personnes tout en réduisant les émissions de CO2 de 680 000 tonnes.

De nos jours, certains des exemples les plus novateurs de leadership en période de transition proviennent de la Californie et de New York. Le gouverneur Cuomo a mené des initiatives importantes en énergie éolienne et en modernisation d’immeubles qui créeront des milliers d’emplois bien rémunérés lors de la transition de l’État vers des énergies renouvelables à 70 %. Les syndicats new-yorkais et la coalition ClimateJobs ont joué un rôle primordial dans la conception du plan, qui repose sur la formation, l’équité en matière d’embauche et la production locale.

Leçons apprises

Notre expérience nous a fait réaliser l’importance des politiques et programmes publics. Le gouvernement joue un rôle clé dans le succès des initiatives, qu’il s’agisse de créer des modèles de gestion, d’encourager l’innovation ou de changer des comportements problématiques. Un modèle de transition équitable doit comprendre les facteurs suivants :

  • un soutien du revenu pour les employé.e.s pendant toute la durée de la transition;
  • des outils de croissance économique locaux pour les communautés affectées;
  • des programmes de formation et de formation professionnelle qui mènent à un travail convenable;
  • le partage des connaissances : l’adoption des meilleures pratiques issues d’ailleurs;
  • un système pour soutenir les normes du travail et la négociation collective;
  • une méthode sectorielle personnalisée selon les régions et les processus de travail;
  • de la recherche et du développement pour soutenir l’adaptation technologique
  • une compréhension des répercussions sur les communautés racisées et autochtones.

La transition équitable est un engagement à long terme de la part de toute la société dans l’optique d’un avenir meilleur. Notre objectif de résilience ne s’applique pas qu’aux espaces physiques, mais aussi à l’infrastructure sociale, qui sera mise à l’épreuve par les tempêtes, les sécheresses, les feux de forêt et la migration des réfugié.e.s climatiques. La seule manière d’assurer la justice pendant cette transition mondiale est de planifier à long terme, de cibler les investissements et de respecter les travailleur.euse.s et leurs communautés.

John Cartwright est le président du conseil du travail de Toronto et de la région de York, qui représente 200 000 femmes et hommes travaillant dans tous les secteurs de l’économie. Charpentier de formation, il possède des années d’expérience dans les domaines de la justice sociale, économique et climatique.