
Le comédien et rappeur Hannibal Buress discute avec aja de la poursuite de ses rêves, du sens de la communauté et de la signification de son pseudonyme Eshu Tune.

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Aja vous invite à répondre à certaines des questions que nous posons à nos invité.e.s du balado The Sound Bath : des questions qui nous transforment et nous révèlent.
En soumettant votre message vocal, vous nous autorisez à utiliser l’enregistrement dans les prochains épisodes de The Sound Bath.
Transcription
- [aja monet] Bonjour, cher public. J’espère que vous allez bien en cette période très difficile. Je tiens à vous remercier personnellement de vous joindre à moi pour The Sound Bath et je veux vous poser la même question que je pose à tous nos invité.e.s. Cliquez donc sur le lien dans les notes du balado pour me laisser un message vocal et me dire quels sons vous apportent un sentiment de calme ou de bien-être. Que signifie le mot « bien-être » pour vous? Et quel type de bien-être explorez-vous en ce moment? Nous sommes impatient.e.s de vous entendre. Et n’oubliez pas d’aimer ou de suivre notre site et de nous laisser un commentaire où que vous trouviez vos balados.
- [Hannibal Buress] Si je dois faire quelque chose, surtout à ce niveau, surtout très visible, je dois y mettre tout mon cœur et mon cerveau parce que c’est lourd à porter. Et si vous devez être dans la rue en tant que personnage public, être reconnu comme le meilleur, si je peux le contrôler et le faire pour le travail, j’en suis vraiment fier, par rapport à quelque chose d’autre qui est le rêve de quelqu’un d’autre.
- [aja monet] Bonjour à tous et à toutes. Je m’appelle aja monet, et vous écoutez de The Sound Bath, un podcast présenté par Lush Cosmétiques. Je suis très excitée par l’épisode d’aujourd’hui, car mon ami Hannibal Buress va nous rejoindre. Hannibal Buress a commencé à jouer la comédie en 2002 alors qu’il étudiait à la Southern Illinois University. Il a été scénariste pour Saturday Night Live et pour la série humoristique de NBC, 30 Rock, en 2010. Il a fait partie de la liste des 10 humoristes à suivre en 2010 du magazine Variety, il a joué dans la série The Eric Andre Show d’Adult Swim et a participé à la série Broad City de Comedy Central. Il a également joué le rôle de Griff dans le film comique Daddy’s Home et celui de Coach Wilson dans le film Marvel, Spider-Man Homecoming. Il a participé à des émissions de télévision de fin de soirée animées par David Letterman, Jimmy Fallon et Craig Ferguson. Il a également créé un festival appelé Isola Fest, un festival de comédie et de musique dans une salle appartenant à son cousin, le Playaz Palace à Isola, au Mississippi, auquel j’ai eu l’incroyable honneur d’assister et de me produire. Plus récemment, Hannibal Buress s’est lancé dans sa belle carrière de rappeur sous le pseudonyme d’Eshu Tune et a sorti son premier EP intitulé Eshu Tune. C’est un honneur incroyable pour moi d’avoir Hannibal Buress, alias Eshu Tune, dans cette émission aujourd’hui, et j’ai vraiment hâte d’avoir cette conversation. Merci de me rejoindre aujourd’hui, Hannibal.
- [Hannibal Buress] Tout le plaisir est pour moi.
- [aja monet] Oui, j’apprécie. Et de trouver du temps dans ton emploi du temps chargé. J’ai l’impression que les gens te voient en tant qu’humoriste. Parfois peut-être acteur, les gens disent-ils acteur?
- [Hannibal Buress] Oui, iels le disent.
- [aja monet] Tu n’aimes pas ça?
- [Hannibal Buress] Non.
- [aja monet] Eh bien, c’est pourquoi cette question sera géniale. Comment aimerais-tu t’identifier?
- [Hannibal Buress] J’aime faire les choses qui me plaisent, et parfois les gens aiment ça. J’ai fait un film il y a trois ou quatre ans, j’ai travaillé une journée dessus. Certaines personnes me demandent si je veux être acteur. Je réponds que j’ai déjà joué. Il y a des gens qui s’investissent beaucoup dans ce domaine et qui se définissent comment acteur.ice.s. Iels se sont entraîné.e.s, ont fait du théâtre, beaucoup de films, et iels entrent vraiment dans le personnage, iels écrivent un journal pour se préparer, iels pensent à la démarche d’une personne. Je suis Hannibal Buress dans un costume différent. Que je sois un policier, un dentiste, un ami ou une autre personne, mon approche est très simple.
- [aja monet] Te considères-tu comme un humoriste, parce que tu as étudié, travaillé et essayé d’apprendre le métier?
- [Hannibal Buress] J’ai travaillé comme humoriste, j’ai sorti des émissions spéciales d’humour, et j’avais vraiment l’habitude, quand j’étais le plus passionné et actif, parfois à New York, de faire cinq, six spectacles en une nuit. J’ai beaucoup dépensé et voyagé dans le monde entier pour faire de l’humour. Par contre, tous les autres trucs étaient un sous-produit de ça, je ne le cherchais pas vraiment. Beaucoup d’autres choses dans le divertissement sont venues à cause de ça.
- [aja monet] Je dis toujours que lorsque nous faisions des open mics à New York, les gens qui étaient là, la majorité du temps, à part les poètes, étaient des humoristes qui venaient faire des sets avec toi. C’est vraiment beau parce que je pense que Chicago et New York sont similaires dans ce sens, où je dirais qu’il y a des endroits où il faut faire partie d’une communauté, même si ce n’est pas vraiment le cas quand on débute, car aujourd’hui, les médias sociaux permettent aux gens d’être isolé.e.s dans leur propre expérience. Mais quand on débute vraiment, je me souviens qu’en tant que poète, il fallait aller dans une salle, faire la file, mettre son nom sur une liste, se souvenir de son texte, et si on savait de quoi on parlait et qu’on pouvait sentir la réaction du public, on pouvait évaluer si on était efficace ou non dans ce qu’on faisait. As-tu remarqué la différence entre l’époque où tu devais être avec les gens pour vraiment ressentir la portée de ton travail et aujourd’hui, où les médias sociaux ont pris un rôle si important, et où les gens s’engagent toujours avec leur public, mais pas dans l’immédiat. Il doit y avoir quelque chose de différent entre obtenir un commentaire en ligne et constater l’effet de ta blague ou de ta réplique sur le visage d’une personne.
- [Hannibal Buress] Oui, absolument. La dernière chose, ça fait beaucoup. On vient de terminer le cinquième des six spectacles des sessions Iso et c’est passé si vite. Parce que quand tu fais quelque chose de façon hebdomadaire, juste après avoir terminé, tu dois commencer à travailler sur la semaine suivante. Tu dois préparer les tracts, tu dois commencer à sortir, tu dois commencer à te préparer, à avancer. Et donc ça a juste fait, whoa, on a juste fait cinq spectacles aussi vite et je pense que ça a juste attiré, même juste le fait que je mette les spectacles en place, ça a créé un élan supplémentaire pour des réservations extérieures et d’autres choses, c’était juste sympa. À L.A., je devenais un peu casanier. Je faisais quelques concerts sur la route ou en voyage et puis, je me disais : « Attends une seconde, je ne fais pas de live régulièrement ici, mais je suis dans une grande ville de divertissement, qu’est-ce que je fous? ». Et donc je n’ai pas réalisé que je ne pouvais pas dire, « L.A. est bizarre » si je n’avais pas vraiment fait d’effort pour faire quelque chose dans la vie nocturne. Maintenant que c’est le cas, c’est bien d’avoir ce point de repère, c’est bien de pouvoir travailler dans ce sens. Quand j’étais à New York, j’avais un hebdomadaire à la Knitting Factory et je faisais encore plein d’autres choses et des tournées et je n’y arrivais pas toujours parce que j’étais sur la route. Maintenant, j’ai des hôtes invité.e.s, mais c’était construit et ça fonctionnait, et donc avoir ce truc régulier était vraiment génial. Et puis quand je voyageais à l’étranger, la salle pouvait contenir une centaine de personnes. Mais nous l’avons fait tellement de fois au cours de l’année, je vais à l’étranger, je vais à Londres, je vais en Australie, je vais quelque part et les gens disent, « Oh, j’étais à la Knitting Factory, j’étais à Knit. J’ai vu le spectacle de la Knitting Factory. » Parce que c’est New York, tu sais, tu joues localement, mais il y a des gens de partout. Donc tu joues dans le monde entier quand tu joues à New York. Et ce n’était pas l’intention quand je l’ai fait. Je ne me disais pas « Quand j’irai en Corée, j’espère que les gens rencontreront quelqu’un qui était au concert de New York. » Mais c’est ce qui s’est passé.
- [aja monet] Tu n’as jamais pensé à créer quelque chose qui serait comme un centre de l’humour qui te survivrait? As-tu pensé à un héritage, dans une sorte de lieu?
- [Hannibal Buress] À Isola, au Mississippi, j’ai ma salle de spectacle. J’ai envie de lancer un programme mensuel ou hebdomadaire que nous produirons et dans lequel nous viendrons tous les deux mois pour montrer notre visage et continuer à avancer. Nous voulons construire quelque chose pour les artistes du Mississippi. Et le diffuser en streaming. Donc on va faire ça dans les prochains mois. On était censé commencer il y a quelques semaines, mais on a été un peu débordé par les concerts. Mais j’aime vraiment construire, car les gens vont venir, iels veulent venir, spécialement dans un endroit comme le Mississippi, et iels vont amener leurs gens, les gens veulent avoir un endroit pour montrer leurs trucs. Donc ça va se produire.
- [aja monet] Je pense que les gens ne savent pas toujours toutes les choses que tu fais et qui aident vraiment beaucoup de gens. Je pense que tu es un ami très attentionné, que tu as un très grand cœur et que tu essaies de faire des choses qui incluent et intègrent beaucoup de gens. Pouvons-nous parler de la raison pour laquelle cela est devenu une si grande partie de cette itération de ta vie?
- [Hannibal Buress] Lorsque vous mettez en place de bonnes choses et que les gens viennent et s’amusent, les résultats sont bons et peuvent s’accumuler. Et donc, vouloir faire ça à un haut niveau et continuer à le faire, parce que c’est agréable de voir les gens se sentir bien après avoir construit quelque chose. Et quand nous sommes allé.e.s à Isola, nous avons fait Isola Fest à la dernière minute.
- [aja monet] Comment cela est-il arrivé?
- [Hannibal Buress] Mon cousin et moi avons un petit club là-bas.
- [aja monet] Oui, c’est vraiment un petit club.
- [Hannibal Buress] Au début, j’essayais de l’aider à gérer le club à distance, et on se disait qu’on allait s’occuper du marketing numérique, puis j’ai réalisé que je ne pouvais pas le faire comme ça. Je devais faire quelque chose pour faire un coup d’éclat au club, et nous pourrions ensuite profiter de cet élan. Je devais donc faire un spectacle. J’ai donc décidé de faire un concert le 13 décembre, parce que plus tard ça aurait été trop proche des vacances et ça ne nous aurait pas donné le temps de planifier le prochain. J’ai demandé à T-Pain d’abord, il a dit oui, je suis surpris. Et j’ai dit, « Tu sais quoi? On fait un festival. »
- [aja monet] Tu étais surpris par la réponse de T-Pain.
- [Hannibal Buress] Ouais, T-Pain a dit oui, bien, c’est un festival de trois jours. Et c’était un bon moment. Merci d’être venue et d’avoir participé. Et c’était génial de créer quelque chose d’aussi gros et de le faire dans un endroit où il n’y a pas d’événements du tout. On peut voir comment cela a touché et amené beaucoup de personnes à Isola, qui n’avaient jamais été là et qui veulent utiliser cela comme une sorte de fondation pour créer d’autres choses dans la ville. C’est une petite ville de 1 000 personnes, mais il y a la petite rue principale, et je pense qu’il y a de la place pour un petit café ou peut-être un cinéma à un ou deux écrans. Et aussi avoir un lieu, avoir des événements hebdomadaires, créer cette communauté d’artistes là-bas, et faire en sorte que ce soit la petite ville pour laquelle les gens font 45 heures de route. Nous aurons un autre festival l’année prochaine, peut-être la fin de semaine du jour du Souvenir ou quelque chose comme ça.
- [aja monet] Tu me feras signe si je peux être utile. Ma prochaine question porte sur Eshu Tune.
- [Hannibal Buress] Oui.
- [aja monet] Tu as ressenti le besoin d’avoir un nom différent pour cette personne ou cette version de toi-même. D’où vient-elle? Comment a-t-elle vu le jour?
- [Hannibal Buress] Je travaillais sur la musique depuis un moment et j’essayais de trouver un nom de scène. J’avais quelques idées, mais elles ne collaient pas vraiment. C’était cool, mais je n’étais pas certain qu’elles auraient fonctionné à long terme. C’était des idées pour le moment. Wabansia Joe.
- [aja monet] Wabansia Joe?
- [Hannibal Buress] Wabansia Joe. Wabansia est un bloc dans mon ancien quartier à Chicago. Et puis Joe est ce que les Chicagoains appellent...
- [aja monet] C’est un nom très cool.
- [Hannibal Buress] Oui.
- [aja monet] Lowkey.
- [Hannibal Buress] Wabansia Joe, je pourrais encore l’utiliser.
- [aja monet] Ça pourrait se manifester.
- [Hannibal Buress] Ça pourrait se manifester d’une autre manière. Ça pourrait être moi avec un modificateur de voix. Pour Eshu, j’ai cherché dans la mythologie nigérienne, et Eshu est le dieu rusé.
- [aja monet] Oui.
- [Hannibal Buress J’ai vu ça. Et ça correspondait à ma façon de penser et aux choses que j’ai faites. Ça m’a semblé juste, tout de suite. Et puis ça m’a aidé à compartimenter un peu. J’ai été capable de voir Eshu comme un nouvel acte. Et voir Hannibal comme le gars qui fait tomber Eshu dans la merde quoiqu’il arrive. Et ça m’a aidé à avoir plus d’élan et à travailler pour... Parce que souvent, les gens veulent faire appel à Hannibal pour quelque chose et Hannibal ne veut pas faire ça.
- [aja monet] Eshu est là.
- [Hannibal Buress] Surtout à ce prix, c’est de l’argent d’Eshu dont il est question. Eshu, Hannibal est un vétéran blasé de l’industrie. Eshu est un jeune homme affamé, aux yeux grands ouverts, et il prendra ces 750 $. Donc maintenant, je suis capable de travailler en m’amusant et en faisant des open mics en tant que musicien, en jouant pour six personnes et en appréciant ça, et en faisant des spectacles et en perdant de l’argent sur des spectacles, mais sans en faire un drame.
- [aja monet] Quand tu penses à ce qu’il représente dans la tradition et la religion yoruba, quand tu parles aux gens qui viennent de la tradition yoruba, iels parlent de ce rejet d’un binaire du bien et du mal. Et l’idée qu’il y a un dieu qui provoque parfois l’hystérie ou le chaos dans le but d’unifier les gens même s’il semble les séparer. Penses-tu que ce que tu fais avec Eshu fait partie de ce processus de rapprochement, parce que je pense que l’humour, d’une certaine manière, amène les gens à se moquer d’elleux-mêmes afin de voir le ridicule de la situation dans laquelle iels se trouvent. Est-ce que tu as l’impression que tu es maintenant capable de faire ça avec la musique, ou c’est juste une partie d’Hannibal qui s’exprime?
- [Hannibal Buress] L’humour est toujours présent.
- [aja monet] Je t’ai entendu rapper en tant qu’Eshu, et tu es très bon.
- [Hannibal Buress] Oui.
- [aja monet] Ouais, c’est un oui immédiat.
- [Hannibal Buress] Parce que j’ai entendu les doutes. C’est une chose sur laquelle j’ai travaillé pendant un certain temps avant de pouvoir le faire publiquement et sans avoir peur. J’ai mis beaucoup de travail là-dessus. J’avais ces vraies chansons qui sont fondées, honnêtes et vulnérables. Et puis j’avais ces chansons qui étaient un peu idiotes. Je ne savais pas lesquelles choisir, mais j’ai décidé de faire de ce que je ressentais, de toutes les faire.
- [aja monet] Vous êtes à l’écoute de The Sound Bath qui vous est présenté par Lush Cosmétiques. Mon nom est Aja Monet. Je suis actuellement en conversation avec mon ami Hannibal Buress, humoriste, écrivain et rappeur. Je veux lui parler de certaines des difficultés qu’il a rencontrées avant de se lancer dans la musique. Mais d’abord... Est-ce que tu as l’impression qu’avec Eshu Tune, tu es capable de te plonger dans d’autres parties de toi que ton personnage d’Hannibal Buress, ou la personne que les gens voient comme toi, ne te permet pas?
- [Hannibal Buress] Je ne veux pas dire que je ne pourrais pas le faire ou que ce n’est pas possible, mais pour moi, faire de la musique et ne pas avoir à travailler pour faire rire ou ne pas avoir à faire des ateliers en public, c’est quand même un élément. Je fais des chansons avant qu’elles ne sortent, tu vois ce que je veux dire? Mais cette chanson a été travaillée en privé et ensuite j’obtiens des choses à mon goût. Si ça marche dans cette pièce et que je la joue 20 fois avant de la sortir. Et donc c’est bien d’avoir ça. Parfois avec l’humour, on peut raconter une histoire à un ami et ça peut être un peu un test, mais la majorité du temps, on le fait devant un public. Je pense donc que le fait de pouvoir vibrer avec quelque chose, de travailler sur quelque chose et d’y croire en privé change l’ambiance de la performance en public. On se dit :
« D’accord, cette musique, ce bar, j’aime ça. J’ai confiance en mes goûts. J’ai fait le rythme, et une partie de ce rythme est super. » Je sais à quoi ressemblent les bons rythmes. J’ai l’impression de savoir ce que sont les bons concepts. Et donc, la différence, c’est que le public a beaucoup de poids dans l’humour. Et donc, je ne fais pas de stand-up régulièrement, mais je fais du badinage d’élite. Mais parce que je ne le fais pas dans ce contexte, c’est moins stressant.
- [aja monet] Oui, oui.
- [Hannibal Buress] Je me suis pointé au comedy club de New York et je ne savais pas vraiment comment ça se passait, il n’y avait pas de musique. Maintenant je suis gâté parce que c’est plus difficile. Je me suis arrêté à ce open mic à Philadelphie, le Comedy John. J’ai fait l’Adult Swim Fest et je suis resté un jour de plus à Philadelphie, et il y avait cette petite salle à l’étage, il y avait peut-être 30 personnes, 40 bien tassées, il y avait une ambiance. Et je me suis dit, tu sais quoi, je vais monter. J’y suis allé et j’ai commencé à faire un peu de stand-up, mais j’étais rouillé et j’ai juste commencé à rapper. Et puis ça a marché parce que le débit était bon, tu vois ce que je veux dire?
- [Hannibal Buress] Oui, tu ne peux pas juste...
- [aja monet] C’était indéniable.
- [Hannibal Buress] Ouais. J’ai dû faire ça pour travailler la foule. Pour le stand-up, on doit se préparer. Comme je n’en fais plus autant, je suis moins spontané qu’avant, la préparation est importante. Quand je ne suis pas préparé, et que j’arrive sur la scène et que je n’entends pas de musique, je suis comme, woh, vous faites ça tous les jours.
- [aja monet] On dirait que tu intègres les meilleures parties de toi-même à ce stade de ta carrière. Et donc je pense que ce que tu fais avec la comédie et le rap ne semble pas nécessairement différent ou complètement opposé, c’est juste un approfondissement de ta pratique.
- [Hannibal Buress] Ça me permet de faire un plus grand spectacle. Et même avec mon stand-up, si vous revenez en arrière et écoutez mes émissions spéciales ou mon premier album jusqu’ici, tous les indices sont là.
- [aja monet] Tu te dis, allez voir les miettes de pain.
- [Hannibal Buress] Comme, c’est moi qui parle des paroles.
- [aja monet] Des références au rap.
- [Hannibal Buress] Je parle d’un spectacle où iels ont fait ça. Avoir un DJ et avoir des extraits sonores, avoir des visuels dans le spectacle, avoir l’autotune, c’est juste une bonne sensation d’avoir ce changement. Et l’autre partie de ça, le résultat involontaire de ça, c’est d’avoir des gens qui nous contactent, qui sont excité.e.s par ça et qui veulent faire autre chose qu’iels ont repoussé ou qui veulent le faire comme, « Oh je te vois rapper, ça me donne envie de le faire », c’est vraiment cool.
- [aja monet] Alors une question que j’ai toujours voulu te poser et que je n’ai jamais fait, c’est à propos de ton nom, Hannibal. Qu’est-ce que ça fait d’être nommé d’après un commandant militaire? Comment c’était de grandir pour devenir ce que tu es aujourd’hui?
- [Hannibal Buress] C’est lourd juste à cause des films, ça a déplacé la conversation et donc c’est juste des gens qui ne savent pas ce qu’est ton expérience, mais c’est juste étrange et même...
- [aja monet] C’est un nom puissant que tes parents ont aimé, ils ont décidé de t’appeler Hannibal. C’est comme un choix très...
- [Hannibal Buress] Un choix très puissant.
- [aja monet] En effet.
- [Hannibal Buress] John a fait un choix très puissant.
- [aja monet] Il y a tellement de choses dans un nom. Je pense que ce qui est vraiment intéressant avec les noms, c’est qu’il y a tellement de choses dans un nom et ce qu’il manifeste, ce qu’il met en œuvre.
- [Hannibal Buress] J’ai étudié un peu Hannibal et il y a des choses que j’essaie d’appliquer et c’est...
- [aja monet] Intéressant, comme quoi?
- [Hannibal Buress] Je suis un belliciste.
- [aja monet] Pardon?
- [Hannibal Buress], Mais stratégiquement et juste dans la planification, Hannibal a utilisé des éléphants et c’était une alternative à une stratégie inattendue, c’était une surprise. Et donc penser à ça et à comment je travaille, comment je planifie et comment je trouve des idées pour des choses ou cette partie de ça.
- [aja monet] C’est vraiment beau à entendre, tu es très poétique. Peut-être que tu ne te vois pas de cette façon. Mais même le nom que tu as décidé de donner à cette nouvelle itération de ta carrière de rappeur, de ta carrière musicale, et la façon dont tu l’assumes, ça semble très poétique, ça semble presque naturel. C’est clair que j’ai écrit cette histoire et que je l’ai planifiée de cette façon.
- [Hannibal Buress] Ça fait du bien, les gens l’ont remarqué et me disent que j’ai l’air vraiment heureux, parce que je le suis et je ne l’étais pas à un moment donné. Et donc de savoir que chaque jour, je suis vraiment juste hypnotisé par les possibilités et, il y a tellement de choses à faire. Il y a tellement de nouvelles choses, il y a de nouvelles idées, il y a des idées de vidéos visuelles à trouver, des rythmes à faire, des chansons à écrire.
- [aja monet] Quel a été le combat pour faire ça? Comme tu viens de le dire, tu ne l’étais pas avant. C’est donc intéressant pour quelqu’un d’avoir la responsabilité de faire rire les gens ou d’être un humoriste alors que tu luttes contre ta propre tristesse. Comment as-tu géré ça?
- [Hannibal Buress] Je pense que c’était juste faire un travail qui ne me satisfaisait pas, mais qui avait l’air bien, financièrement bien, ou qui était très visible. Et puis faire ça, et puis devoir le promouvoir, et donc réaliser la gravité de ça, et ce qu’on ressent quand on fait quelque chose qui ne nous correspond pas, mais qui est un gros projet, et qu’on doit aussi le vendre. Tu te dis, attends.
- [aja monet] C’est intéressant de revenir en arrière parce que ça ressemble beaucoup au rôle d’acteur.
- [Hannibal Buress] C’est ça, un vrai rôle d’acteur. Le vrai rôle est dans la promotion. Tu dois en faire 30 en un jour ou quelque chose comme ça.
- [aja monet] Et puis tu trouves des moyens d’échapper à ce sentiment.
- [Hannibal Buress] Oui. Et ça m’a appris que si je dois faire quelque chose, surtout à ce niveau, surtout très visible, je dois y mettre tout mon cœur et mon cerveau, parce que c’est lourd d’être là. Et si vous devez être dans la rue en tant que personnage public, être reconnu est ce qu’il y a de mieux, si je peux le contrôler, je dois le faire pour un travail dont je suis vraiment fier plutôt que pour le rêve de quelqu’un d’autre. Et donc c’était juste comme, OK, je ne fais pas ce que je veux faire. Je fais ce que certaines personnes pourraient vouloir que je fasse et je l’ai fait. Et donc c’est juste maintenant que je sais, OK, c’est ce que je veux faire, je me réveille hypnotisé. Si je me réveille avec ce sentiment, c’est parce que je ne suis pas connecté au travail. Il devrait y avoir quelqu’un d’autre que moi qui veut le faire. Je ne suis pas la meilleure version de moi-même quand je fais cette merde. Et c’est pourquoi je dois me retirer de ça.
- [aja monet] Je me demande quel rôle a joué le fait d’être père dans cette phase de ta vie.
- [Hannibal Buress] C’est une grande partie. Au départ, je voulais que la musique sorte avant sa naissance. Parce que dans mon cœur, je ne voulais pas que ma fille me dise : « Tu parles de vouloir rapper tout le temps, mais tu n’as pas sorti de musique. » Alors j’ai imaginé ça.
- [aja monet] Tu ne voulais pas que ta fille te dise ça.
- [Hannibal Buress] Oui, j’ai imaginé cette confrontation où elle me reprochait d’avoir cette passion et de ne jamais vraiment passer à l’acte alors que j’avais toutes les ressources pour le faire.
- [aja monet] Hilarant.
- [Hannibal Buress] Et aucun obstacle réel. Elle est juste comme : « Attends, tu as de l’argent, tu as du temps, il n’y a rien qui t’empêche de créer et de faire des trucs. » Je l’ai donc imaginée très déçue par tout ça. Et donc je ne l’ai pas sorti avant qu’elle soit née, mais je l’ai sorti et j’ai commencé à le faire.
- [aja monet] C’est vraiment beau. C’est en fait une très belle chose à entendre. Tu sais, comment les gens écrivent des lettres à leurs futurs enfants ou autre. Ta fille te parlait déjà depuis l’utérus. Qu’est-ce que ta fille t’a dit à propos de l’amour? Que veux-tu montrer à ta fille sur l’amour, quelque chose que tu ne ressentais pas auparavant?
- [Hannibal Buress] Être simplement présent. Être dans le moment présent autant que possible. Je pense à ce travail, qui m’emporte parfois, et à la façon d’en faciliter l’exécution. Je suis parti 11 jours récemment, ce qui était un voyage de 11 jours, mais elle a 16 mois, donc...
- [aja monet] 11 jours, c’est comme 10 ans.
- [Hannibal Buress] Ouais, onze jours, elle n’a que 365 jours. Ensuite, vingt jours, alors qu’elle en a 485. Onze jours sur 485, ça fait beaucoup. Dans une chanson, Phonte a dit : « Je reviens de la route, et mon fils a une moustache. » Tu pars, tu reviens et le bébé a déjà changé.
- [aja monet] Oui, et tu auras changé toi aussi.
- [Hannibal Buress] Oui.
- [aja monet] Probablement pas autant, mais oui. Ma prochaine question est la suivante : dans un monde où les choses sont constamment de nouvelles négatives et positives, qu’est-ce qui te fait vous sentir le plus libre?
- [Hannibal Buress] Quand je suis dans une pièce insonorisée et qu’iels font juste des trucs, qu’iels écoutent de la musique ou travaillent sur de la musique ou dans le studio de quelqu’un d’autre. Je suis allé au studio de T.nava. T.nava fait partie de Free Nationals, je crois que c’était notre première fois, j’ai beaucoup traîné avec lui, mais je n’étais jamais allé en studio avec lui. Et je lui ai fait écouter cette chanson sur laquelle je travaillais, « No Whip ». Il l’a entendue et a immédiatement commencé à y ajouter quelque chose. Et TK, qui a fait le beat, était avec moi. Cette chanson, je l’ai enregistrée en juin de cette année et je l’ai écoutée beaucoup. Je l’ai mise sur SoundCloud, mais je ne l’ai pas encore poussée. J’en suis content maintenant, mais ce n’est pas encore un produit fini. Je l’aime là où elle est, elle va s’améliorer. Mais de voir quelqu’un d’autre réagir positivement, c’était vraiment génial d’avoir ce sentiment. TK a claqué des doigts, il a élevé la chanson. C’est ce genre de moments avec la musique, en studio, quand je trouve des trucs, c’est là que je suis le plus libre. Et puis sur scène avec le groupe quand on est bloqué ou quand j’improvise. Hier soir, on parlait de ce qu’on allait faire pour le concert du 30 octobre. Je plaisantais avec la foule et je disais que peut-être tout le monde pourrait se déguiser en pasteurs pour l’Halloween et ensuite, comme c’est dimanche, tout le monde se déguisera en pasteurs. Et j’ai commencé à parler de mon expérience avec la religion, je suis allé dans une école primaire luthérienne. J’ai commencé à improviser cette chanson, pourquoi suis-je luthérien? Je veux dire, je peux trouver tous les détails évidents du pourquoi, mais je voulais laisser les détails inutiles. C’était juste ce moment où je n’avais jamais vraiment parlé de ça devant un public. Et puis passer de la parole au style libre d’une chanson, pourquoi je suis luthérien, et la foule qui s’enflamme. Donc, ce genre de moments qui étaient organiques et qui sont la combinaison parfaite de la musique et de l’humour dans le cadre du live à cette époque, c’était génial d’avoir ce genre de moments parce qu’alors je ne pense à rien d’autre que la musique pour le moment, la foule à ce moment-là ou en studio. C’est pour ça que j’aime être ici, parce que tu n’entends rien d’autre. Donc quand ça cogne, ça cogne, tu vois? Et donc, c’est bien de faire ça parce qu’il y a beaucoup de choses qui se passent dans le monde évidemment. Et donc, être capable de vraiment se concentrer sur le travail, c’est là que nous faisons le meilleur travail.
- [aja monet] Oui, c’est la présence ultime. Quels sont les sons qui résonnent avec toi?
- [Hannibal Buress] Certains sons sensoriels. Parfois je suis assis ici et je vibre, je mets des visuels et je joue n’importe quoi. J’avais cette chanson « Veneers », c’est juste la base, le son du mode, c’est en fait à partir de l’application mode, pas le mode physique. Mais ensuite nous l’avons mis dans un plug-in de remixage, qui l’a en quelque sorte coupée et accélérée. Le rythme a donc été changé. Et c’est en entendant ça qu’on s’est dit qu’on donnait une toute nouvelle vie à ce son. Le remix et juste un son qu’on aimait déjà et qu’on entendait depuis un an et quelques changements. Donc certains sons sensoriels, comme le son de l’océan quand j’étais à Hawaii. Ce type de bruit paisible.
- [aja monet] Wow, Hanni, ça a été un plaisir de te parler.
- [Hannibal Buress] Moi aussi.
- [aja monet] Oui, merci d’avoir pris le temps. Merci beaucoup d’avoir écouté et profitez de cette belle méditation sonore.

Balado The Sound Bath