Épisode 6 : libération sexuelle

Épisode 6 : libération sexuelle


L’importance de la libération sexuelle et de la guérison.


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Our host aja invites you to answer some of the same questions we ask our guests on The Sound Bath—questions that transform and reveal us.

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Transcription

- [aja monet] Bonjour, cher public. J’espère que vous allez bien en cette période très difficile. Je tiens à vous remercier personnellement de vous joindre à moi pour The Sound Bath et je veux vous poser la même question que je pose à tous nos invité.e.s. Cliquez donc sur le lien dans les notes du balado pour me laisser un message vocal et me dire quels sons vous apportent un sentiment de calme ou de bien-être. Que signifie le mot « bien-être » pour vous? Et quel type de bien-être explorez-vous en ce moment? Nous sommes impatient.e.s de vous entendre. Et n’oubliez pas d’aimer ou de suivre notre site et de nous laisser un commentaire où que vous trouviez vos balados.


- [Ev’Yan Whitney] Pour moi, il ne s’agit pas d’avoir toutes les réponses. Il ne s’agit pas de savoir absolument tout à 100 %, c’est qui je suis, et comment cela va être exprimé, comment je naviguerai dans les communautés, au sein de cette identité. Pour moi, il s’agit plutôt de savoir qui je suis en ce moment. Et de me donner l’espace et la compassion de l’explorer.

 

- [aja monet] Cher public, voici The Sound Bath, une émission présentée par Lush Cosmétiques, et mon nom est aja Monet. J’ai vraiment hâte de découvrir l’épisode d’aujourd’hui. Ev'Yan Whitney est un.e doula spécialisé.e dans la sexualité, auteur.e d’un livre appelé « Sensual Self », un journal interactif autoguidé qui vous donne la permission de vous reconnecter à votre plaisir et de revenir à votre corps par le jeu, la curiosité et l’autoréflexion. Son travail se concentre sur la décolonisation et la libération de la sexualité à l’intersection de l’identité, du plaisir et de l’incarnation. Iel a inventé le terme de doula de la sexualité et iel a été à l’avant-plan de cette méthode de guérison en 2014. Ev'Yan fait un travail profond et minutieux en tant qu’éducateur.e, guérisseur.se, et facilitateur.ice dans le domaine de l’éducation sexuelle et de l’incarnation de la sexualité. Iel réserve des places aux femmes qui sont prêtes à sortir de la honte, la confusion et la peur dans leur sexualité et à accéder au pouvoir érotique, peu importe à quoi cela pourrait ressembler pour elles. Allons-y.


- [aja monet] Je suis tellement enthousiaste de converser avec toi aujourd’hui, Ev'Yan. J’ai vraiment attendu cette discussion avec impatience, autour de la sexualité et de ce terme que tu as inventé « doula de la sexualité ». Donc, il y a toutes ces choses qui bourdonnent dans ma tête. Mais avant que je commence à entrer dans le vif du sujet et le côté savoureux de la conversation, je voulais juste te donner l’occasion de te présenter à notre public, et peut-être de partager un peu de la façon dont tu te perçois et le travail que tu fais dans le monde.


- [Ev’Yan Whitney] Merci. Merci, aja. Bonjour tout le monde. Mon nom est Ev'Yan Whitney. Je me présente comme un.e doula de la sexualité. Je suis éducateur.ice, auteur.e, podcasteur.euse, et oui, je fais ce travail de libération sexuelle et d’incarnation sensuelle depuis 12 ans et je suis vraiment ravi.e d’être ici pour te parler de tout cela.


- [aja monet] Donc avant de commencer, je veux savoir comment tu te sens? Comment te sens-tu dans ton corps à ce moment précis? Qu’est-ce que tu retiens? Quelles sont les choses que tu ressens présentement?


- [Ev’Yan Whitney] J’apprécie cette question. Je fais beaucoup d’entrevues et c’est très rare que les gens me demandent de faire le point avec mon corps et de dresser un portrait de ce qui se passe à l’intérieur. Je te remercie donc de cette invitation. Je suis dans une phase de convalescence. J’ai eu ma première expérience avec la Covid il y a quelques semaines, donc mon corps est encore en train de guérir. Et il y a un sentiment de fatigue dans mon corps dont je n’ai pas pu me débarrasser, depuis que j’ai eu mon résultat positif. C’est ce que je ressens. Et puis je me sens aussi juste, je me sens un peu tendu.e. J’ai eu une séance de thérapie très douloureuse hier avec mon thérapeute où nous avons discuté de mes problèmes avec mon père. Donc, je me suis en quelque sorte réveillé.e ce matin avec une petite gueule de bois émotionnelle, tu vois? Donc oui, c’est une bonne combinaison des deux, physiologiquement, je me sens fatigué.e et aussi mon corps émotionnel se sent assez mou aussi.


- [aja monet] Merci pour ce langage, la fatigue émotionnelle. J’ai l’impression que c’est quelque chose que j’ai ressenti, mais peut-être pas exprimé de cette façon et ça résonne en moi. J’ai tellement de questions à te poser. Commençons donc, dans l’un de tes articles, tu as écrit que depuis 2011 « J’ai fait la chronique de mon voyage de libération sexuelle en écrivant des articles candides sur la sexualité, l’identité, la guérison des relations, et l’amour de soi ». Il est dit que ton orientation sexuelle, qui est, entre guillemets « désordonnée, déroutante, une histoire dramatique de coming out. » Et je voulais juste comprendre ou en savoir un peu plus sur l’orientation sexuelle, surtout en ce moment. Qu’est-ce que tu penses du coming out et comment s’est déroulé ce processus pour toi?

- [Ev’Yan Whitney] J’ai fait mon coming out sous tellement de formes maintenant. Je ne m’identifie plus comme une femme. En fait, je m’identifie comme non binaire. Juste pour ajouter une autre couche de complexité et dynamique à cette expérience, je pense que la première fois que j’ai fait mon coming out c’était quand j’ai révélé ma bisexualité. Et c’était en 2011. Et dans les débuts, faire mon coming out n’était pas vraiment quelque chose que je souhaitais faire. Je sentais que je devais le faire. Ces jours-ci, ma relation avec le coming out est plus versatile. C’est beaucoup plus doux et il y a plus d’agencement attaché à ça. Je pense qu’en ayant fait un coming out encore, encore et encore, j’ai vraiment pensé à la façon dont la sexualité et même pas seulement la sexualité, mais aussi l’identité personnelle, sont si changeantes. Elle n’est pas aussi fixe que nous le pensions. Donc, je me suis en quelque sorte soumis.e ou résolu.e à faire mon coming out plusieurs fois dans ma vie et de faire en sorte que l’expression de ce coming out soit plus que jamais comme un acte de célébration, un acte de, je veux que vous me voyiez comme ça, parce que je suis fière de l’être. C’est une sensation vraiment génératrice et excitante, et aussi ludique. Je pense qu’au début, quand je faisais mon coming out, ça paraissait si sérieux.


- [aja monet] Je me demande, en t’écoutant, quel est l’équilibre ou y a-t-il un équilibre ou une négociation, entre l’intériorité et le coming out? A quel moment ne ressent-on pas le besoin de sortir du placard? Ou quand trouves-tu que faire son coming out est nécessaire dans la communauté? Et quand trouves-tu que cela peut être une forme de limitation ou de « placement de limites » autour de la sexualité d’une personne?

 

- [Ev’Yan Whitney] C’est une très bonne question. Je pense que c’est une partie du coming out dont peu de gens parlent, le fait que ce soit une décision très personnelle. Et nous mettons beaucoup de pression sur les gens pour savoir qui ils sont et donc lorsqu’ils font leur coming out, c’est comme « Oh, c’est bien, vous faites cette annonce. Vous avez trouvé la solution. Vous savez exactement qui vous êtes, comment vous voulez vous exprimer. » Et cela peut faire peser une grande pression sur les gens. Je veux dire, je sais que cela m’a mis une pression énorme, cette idée que si je révèle mon statut de non binaire, cela signifie que je dois comprendre pleinement les nuances de chaque aspect de mon identité sexuelle et comment cela s’intègre dans la relation que j’ai avec mon partenaire, la relation que j’ai avec mon propre corps. Et je suis reconnaissant.e d’être à ce stade de mon coming out où pour moi, il ne s’agit pas d’avoir toutes les réponses. Il ne s’agit pas de savoir à 100 % absolument, c’est qui je suis, comment cela va être exprimé, comment je naviguerai dans les communautés, au sein de cette identité. Pour moi, il s’agit plus de savoir, voici qui je suis en ce moment et me donner l’espace et la grâce de l’explorer, être désordonné.e avec ça, de ne pas avoir de notions fixes ou rigides de qui je dois être à un moment donné. Et je pense que la raison pour laquelle je suis venu.e dans cet espace c’est parce que j’ai réalisé que l’identité, la sexualité, les corps, tout est dans cet espace de fluidité.

- [aja monet] Oui, merci d’avoir partagé et développé ce point. Ma prochaine question porte sur le plaisir et l’érotisme. Notre sexualité est souvent très, et je ne sais pas si c’est spécifique aux femmes noires, mais particulièrement chez les femmes noires, parce qu’à un moment donné, nous n’étions pas considérées comme humaines, qu’il y a cette chose spécifique autour de l’exploitation et la marchandisation de notre sexualité. Donc, maintenant, ce que je trouve être, la chose qui est rendue populaire ou la chose qui est encouragée, c’est d’obtenir de l’argent. Par exemple, si vous allez baiser, faites-le pour de l’argent. Si vous allez twerker, twerkez pour de l’argent. Et à certains égards, on nous dit que cela renverse la dynamique du pouvoir à l’envers. Je pense que nous nous avons de la difficulté, mais où est la limite entre cet acte de rébellion et de libération? Et puis, est-ce que je suis instrumentalisé.e? Est-ce que mon corps est employé contre moi? Est-ce quelque chose qui contribue à perpétuer ces visions très limitées de notre sexualité et de notre plaisir?

- [Ev’Yan Whitney] Oui, c’est tellement profond et ça montre réellement combien notre culture est intrinsèquement raciste. Comme les gens noirs, les femmes et les filles noires doivent constamment faire face à la suprématie blanche inhérente, au capitalisme patriarcal, et la nature misogyne du monde dans lequel nous vivons. Alors, comme tout ce que nous faisons en tant que personnes noires, en tant que femmes noires, alors que les femmes noires sont politisées, parce que notre existence est radicale. Comme le fait même que nous soyons dans nos corps, que nous pouvons prendre le contrôle de notre sexualité, que nous pouvons parler avec nos propres mots, de ce que nous voulons et de ce dont nous avons besoin, comme c’est un acte de résistance. Je pense que ta question sur le plaisir et l’érotisme, c’est une chose à laquelle j’ai beaucoup réfléchi. Ça a été la base de mon travail pendant plus de 12 ans, en essayant de comprendre pourquoi mon propre plaisir, ma propre sexualité, mon propre érotisme sont si différents de celui de mes homologues blancs. Pourquoi est-ce politique? Je me souviens, dans la vingtaine d’avoir vu mes amis blancs qui parlaient des orgasmes incroyables qu’ils avaient et de ces expériences sexuelles et de la liberté avec laquelle ils étaient capables de vivre ces expériences, la liberté avec laquelle ils étaient capables de parler de ces expériences étaient si différentes de la façon dont j’ai été élevé. Et je ne pense pas nécessairement que c’est juste parce que j’étais noir.e, bien que, comment pourrais-je séparer les deux? Mais je pense beaucoup à ça. Je pense à ce que je ressens. Comme un tel manque de liberté pour explorer et exprimer sa sexualité en tant que personne noire, en tant que femme noire. Je pense que pour moi, il y a toujours eu cet espace de gravité autour du sexe. J’ai dû traverser ces mers de dogmes, de stigmates, de honte et de traumatisme dans lesquels je nage encore. Je veux dire, je fais ce travail depuis longtemps, mais je veux dire, je crois en l’épigénétique et je crois que le fait de parler de sexe et de la libération sexuelle et de la guérison sexuelle est une étape vraiment merveilleuse pour guérir mes ancêtres. Mais c’est aussi, leur traumatisme, leur manque de pouvoir, leur manque de choix sexuel et d’autonomie qui vivent toujours à l’intérieur de mon corps.

- [aja monet] Oui, je pense aussi qu’une partie de ce que je trouve vraiment frustrant, autour de la discussion sur la sexualité, en particulier avec les Noirs, autour de nos relations et de notre combat avec la sexualité et notre expression de la sexualité entre hommes et femmes, c’est souvent, je trouve, que lorsque les hommes ressentent le besoin de romancer le corps des femmes, d’exploiter davantage la sexualité des femmes, ça ne fait que blesser les hommes, les Noirs en particulier. Et ils ne réalisent pas vraiment qu’ils ne font que renforcer l’idée qu’ils sont des reproducteurs. Comme s’il y avait toute cette chose que l’esclavage nous a imposée et qui n’a pas, du moins touché ceux d’entre nous de la diaspora, n’est-ce pas? Et les Africains de partout, mais c’est la blancheur et le colonialisme, qui ont vraiment colonisé nos rapports avec nos corps et nous ont fait croire que notre nature primitive était la seule partie de nous. Que c’est en quelque sorte déconnecté d’un monde intérieur et d’un monde spirituel et d’une réalité. Je pense que l’érotisme pour moi et la conversation sur l’érotisme qu’Audre apporte dans cette discussion sur la sexualité concerne le plan spirituel et les sentiments, les sentiments non reconnus, les sentiments non exprimés, ce qui va dans le sens de ce que tu viens de dire, qui est que nous ne sommes pas figés. Si en fait nous sommes fluides, quels sont les sentiments non exprimés que nous retenons autour desquels nos esprits ont été colonisés, vous voyez? Que nous commençions à nous juger pour avoir ces sentiments que nous ne comprenons même pas. Et plutôt que de faire preuve de curiosité à propos de ces sentiments, on les nie et on les réprime. Donc, je voulais te poser quelques questions au sujet de, dans ton travail de doula de la sexualité, y a-t-il certaines choses que tu as remarquées dans tes sentiments par rapport à la sexualité qui t’ont aidé.e dans ton voyage vers une sexualité plus libérée, à être une personne plus complète, plus acceptante et affirmée dans le monde?

 

- [Ev’Yan Whitney] Je ressens très profondément en ce moment que nos ancêtres, mes ancêtres, tes ancêtres sont dans la salle. Et je voulais juste leur faire un petit signe de tête, et les saluer. Parce que je pense que ce que nous touchons du doigt est si profondément ancestral. Je pense que souvent, quand on parle de libération sexuelle, mais aussi de honte sexuelle et de traumatisme sexuel et de la façon dont nous ne sommes pas capables de nous exprimer en tant qu’individus à part entière à cause des traumatismes que nous avons vécus, à cause du racisme, parce que notre humanité a été constamment dépouillée de nous. Nous parlons aussi des gens qui nous ont précédés. Qui n’ont peut-être pas été capables d’avoir leur autonomie sexuelle, d’avoir leur autonomie émotionnelle qui s’est concrétisée au sens littéral du terme. Bref, je suis en train de digresser, mais je voulais vraiment dire ça à la salle, parce que je pense que nous ne parlons pas seulement de nous-mêmes dans cette discussion, nous parlons aussi des gens qui sont venus avant nous. Et on réfléchit aux moyens, comme comment faire de notre libération leur libération, autant que nous le puissions. Donc, pour répondre à ta question, comment on commence ce processus? Il y a deux questions qui m’ont vraiment aidé.e à commencer ce voyage de remise en question des enseignements, des récits, des histoires, qu’on m’a donnés sur ma propre sexualité, mon propre corps, mon plaisir. Donc, la première question que je me suis posée et que j’invite les gens à se poser est : « Qui est-ce que je veux être en tant qu’être sexuel? » Et dans cette question, il y a beaucoup de microquestions, quel genre de sexe je veux avoir? Quel genre de relation je veux avoir au sens de l’orgasme? Quel genre de relation je veux avoir avec le plaisir? Quel genre d’amant.e.s est-ce que je veux attirer et comment je veux qu’iels me traitent, dans le cadre de nos interactions sexuelles? Et aussi, en passant, qui est-ce que je veux être en tant qu’être sexuel? Ce mot peut-il être changé en qui je veux être en tant que femme? Qui est-ce que je veux être en tant que personne non binaire? Comment je veux exprimer ces parties de moi-même d’une manière qui soit libératrice, générative et sûre? Et cela me permet de me sentir entière. Donc, je vais continuer à utiliser le mot sexualité ici, mais je tiens à souligner que c’est quelque chose que les gens peuvent utiliser dans tous les aspects de leur vie, pas seulement dans le sexe. Et puis la deuxième question est, qu’est-ce qui peut m’empêcher d’être cette personne, d’incarner cette personne? Et encore une fois, des microquestions à l’intérieur de ça. Par exemple, quelles histoires honteuses ai-je intériorisées à propos de mon corps? Quels récits de stigmatisation autour de mon érotisme, que je suis en train de vivre? Qu’est-ce qui m’empêche de me sentir libre sexuellement? Quelles pensées, quelles croyances limitantes, quelles expériences traumatisantes ai-je vécues? Par exemple, quelles sont les choses auxquelles je ne mérite pas d’avoir accès quand il s’agit de ma sexualité? Donc, avec ces deux questions, ce qui est vraiment intéressant c’est que la première question, qui est-ce que je veux être en tant qu’être sexuel, est une très belle façon pour nous de rêver, de s’amuser, pour nous de créer notre propre image de qui nous voulons être, en dehors de ce que notre culture, notre société, nous a dit que nous devions être. Et j’aime cette question parce que souvent le sexe, la sexualité, l’identité de genre, tout ça est si sérieux. Et il y a beaucoup de choses qui s’y superposent qui nous empêchent de sentir que ça peut être léger, ça peut être ludique, je peux me permettre d’imaginer et de créer et me salir avec ce processus de qui je voudrais être. Et donc ça donne vraiment aux gens une invitation à explorer et à s’amuser et à apporter un peu de légèreté à ce qu’ils veulent devenir. Et la deuxième question est une sorte de diagnostic. Elle vous donne un aperçu de « Oh, ce sont les choses qui m’empêchent d’accéder à mon moi sexuel. Ce sont les choses qui m’empêchent de me dissocier de mon corps. » Et ce que j’aime dans cette question, c’est qu’une fois que tu as répondu à la deuxième question de la manière la plus complète possible, tu as une sorte de plan d’action pour savoir où tu dois aller en matière de ce à quoi ton voyage de guérison va ressembler. Et souvent, cela peut ressembler à entrer en thérapie pour évoquer les expériences traumatisantes que tu as vécues, qui pourrait ressembler à lire des livres et à t’éduquer sur, à quoi ressemble une personne sexuelle? Par exemple, qu’est-ce que cela signifie d’être libre sexuellement. Ça pourrait être de vérifier tes propres préjugés, sur ce à quoi ressemble la libération sexuelle. Alors oui, ces deux questions ont été très importantes pour moi. Elles m’ont vraiment mis.e sur la voie et m’ont permis de rester curieux.se. Ce sont des questions auxquelles je reviens souvent, car nous ne sommes jamais une seule chose à la fois, nous changeons constamment. Et donc j’encourage les gens à continuer à poser ces questions, parce que je suis prêt.e à parier qu’une fois que vous avez creusé une couche de libération pour vous-même, vous allez trouver plus de questions et c’est normal de faire preuve de curiosité.

- [aja monet] Oui. L’autre partie autour de laquelle j’avais une question qui est vraiment, vraiment importante, je pense, pour moi, mais aussi pour tout notre public, c’est que la sexualité est souvent considérée comme si sérieuse et qu’une grande partie de notre sexualité en tant qu’adultes est teintée par la façon dont nous avons appris le sexe dans notre enfance ou de la façon dont nous avons été confrontés à des enfants sexistes, qui nous ont appris à connaître notre corps et nous ont encouragés à être curieux à propos de nos corps, par rapport à la façon dont nous avons appris la honte et comment on s’occupe de nos corps, comment sont-ils traités? Qui les a touchés, qui était autorisé à les toucher? Ce sont toutes des choses qui, je pense, se présentent en matière de gravité. Le sexe peut être très sérieux, pas même parce que les gens veulent qu’il le soit, mais parce que leur histoire avec ça est si sérieuse et si viscérale et souvent traumatisante. Donc, je voulais te demander, comment peut-on faire pour allumer ou raviver une relation avec la sexualité? Comment peut-on commencer un nouveau voyage avec sa sexualité après avoir survécu à une agression sexuelle ou un traumatisme ou une sorte de perturbation, autour de sa santé sexuelle, et cetera? Et tu sais, je sais que tu n’as pas toutes les réponses, mais je suis très intéressée et peut-être que les façons d’aider les autres à gérer leur relation au mal ou au traumatisme que leur corps a subi et comment ils peuvent commencer à entamer un voyage avec la sexualité.

- [Ev’Yan Whitney] Oui, Je pense que c’est pourquoi le travail que je fais et celui des autres professionnels de la sexualité, les éducateurs sexuels, les thérapeutes sexuels sont si importants. Mon travail en tant que doula de la sexualité est d’accompagner et de guider les gens à travers ces parties très anxiogènes de leur voyage. Par exemple, comment puis-je me reconnecter, comment revendiquer mon corps comme le mien après avoir subi un traumatisme? Et je pense que beaucoup d’entre nous pensent que c’est quelque chose que nous devrions assumer nous-mêmes. Je veux dire, nous vivons dans un monde imprégné du culte de l’individualisme et il y a cette idée que, « Oh, c’est mon problème. Je dois le régler. » Et mon travail en tant que doula de la sexualité consiste à permettre aux gens de demander de l’aide et de ne pas endosser tout ça et d’en prendre la responsabilité et d’arranger les choses par eux-mêmes. Et c’est pourquoi les gens comme moi peuvent être si utiles, parce que nous pouvons vous donner l’espace pour rêver, en étant ce à quoi ressemble cette liberté, tout en vous donnant les outils et les conseils pour le faire. Donc, c’était une très longue façon de dire que c’est normal que les gens demandent de l’aide. Je pense que particulièrement pour les survivants, il est primordial que nous demandions de l’aide dans nos parcours. Donc, la plupart des choses avec lesquelles nous nous débattons lorsque nous avons vécu une forme de traumatisme dans notre corps ou notre capacité ou autonomie sexuelle. Je veux dire, ce sont des choses vraiment importantes qui ne peuvent pas être expliquées ou guéries par la lecture d’un livre ou l’écoute d’un balado. Et il y a tellement de pouvoir d’être capable de partager ce fardeau ou de partager cette difficulté avec quelqu’un d’autre et de confier ton histoire à quelqu’un d’autre si tu le peux, pour qu’il puisse t’aider dans cette lutte. Et je veux vraiment que les gens sachent que même si ce n’est pas en travaillant avec quelqu’un en tête-à-tête, même si c’est juste parler à un autre ami que tu as, où peut-être que vous avez tous les deux un passé similaire, où vous avez vécu des traumatismes similaires ou des histoires honteuses similaires à propos du sexe ou de votre corps, en commençant une conversation sur notre rapport à la liberté. De quoi avons-nous besoin pour y parvenir? Quel genre de soutien, quel genre de communauté? Je pense que c’est un aspect de la guérison sur lequel je veux me concentrer davantage, car j’avance dans mon propre voyage aussi. Comme ne pas sentir que je dois tout faire par moi-même, mais en fait, je sous-traite et aussi je source, une partie de ces soins communautaires. Parce que, nous ne pouvons pas guérir par nous-mêmes. C’est tellement important d’avoir ce soutien.


- [aja monet] Oui, merci pour ça. Je ne sais pas à quel point c’est précis pour le moment, mais je sais que j’ai entendu cette statistique qu’une femme américaine sur six a été victime d’une tentative ou d’un viol au cours de sa vie. Je suis presque sûre que les statistiques sont encore plus élevées dans d’autres pays et communautés. Et c’est juste pour l’évoquer, parce que je sais que c’est si commun. Et si nous savons que c’est si commun, je pense que quand on parle de sexualité, une partie de ce que je souhaite pour nous en tant que communauté quand nous parlons de soins collectifs, c’est un peu de tendresse, de la compassion, de l’humilité et de la grâce quand nous touchons au corps de l’autre. Mais j’ai l’impression que souvent, les hommes hétérosexuels ont cette relation à leur propre corps et aux autres qui n’est pas rencontrée avec humilité, grâce, tendresse et curiosité. Et donc je souhaite cela pour nous tous, mais je pense qu’en partie de notre aide à la déstabilisation et à vraiment perturber et faire tomber le patriarcat, doit se faire avec ce niveau de compassion, de curiosité et de tendresse, eh bien, si je sais que c’est commun, comment puis-je alors agir différemment ou plus intentionnellement en relation avec les corps autour? Comment je pense, comment puis-je approcher le corps avec respect et inspiration et tendresse et compassion, plutôt que le besoin de conquérir et d’absorber et d’absoudre et de rejeter et de jeter? Je suis inspiré.e par ce qui peut venir d’une société libérée autour de la sexualité dans nos corps et ce qui peut se transformer non seulement en matière de nos relations personnelles, mais de manière systémique. Et les façons dont nous exigeons les choses de manière systémique. Je voulais te demander quelles sont les ramifications politiques ou ce que tu vois se manifester chez certaines personnes que tu as vues ou dans certaines des relations ou du travail que tu as fait? Quel est le lien entre la façon dont nous traitons nos corps, notre relation au sexe, et comment nous sommes liés aux systèmes de pouvoir et comment nous nous rapportons à la politique du présent?

 

- [Ev’Yan Whitney] Oui. Je pense que c’est cette citation, « La façon dont vous faites une chose est la façon dont vous faites tout. » Et je ne sais pas si j’y crois à 100 %, mais je pense que dans cette discussion que nous avons autour du sexe et de la sexualité et il y a beaucoup d’idées fausses, je pense, sur le travail que je fais. Les gens peuvent imaginer que je parle de sexe, de positions sexuelles, de jouets et de choses comme ça. Mais la plupart du temps, ce qui vient est une interrogation, une curiosité sur les histoires que nous tenons dans nos corps, sur nos vies sexuelles, sur nos besoins et nos désirs sexuels et comment ces mêmes histoires sont répliquées d’une autre manière. Donc, c’est très, très commun pour moi d’être en séance avec quelqu’un et qu’on parle de « OK, quelle est ta relation avec l’orgasme? » « OK, l’orgasme est une question de plaisir. Quelle est ta relation avec le plaisir? » En général, je ne viens pas d’un environnement sexuel, mais quelle est ta relation au fait de se sentir bien dans son corps? Et c’est vraiment intéressant que la plupart du temps les gens aient des problèmes avec l’orgasme d’un point de vue sexuel. Ils sont aussi très déconnectés du fait de se sentir bien dans leur corps dans un endroit platonique. Donc, je vois vraiment que ce domaine de la sexualité, ce domaine du plaisir sensuel est vraiment une sorte de miroir pour les autres aspects de nos vies dont nous sommes déconnectés, dont nous avons été dissociés, qu’on nous a appris à ignorer, à nier ou à cacher. Et je me suis lancé.e dans ce travail de libération sexuelle et de guérison sexuelle en pensant que si je pouvais juste et surtout pour moi, pas nécessairement pour les autres personnes, mais je me disais, si je pouvais juste réparer cette partie de moi, si je pouvais juste libérer ma sexualité, tout se mettrait en place. Cette idée que la libération sexuelle va me sauver et qu’elle sauvera le monde. Et je crois toujours que c’est vrai. Je crois toujours que parce que la libération sexuelle est liée à l'autonomie corporelle, elle est liée à notre liberté de nous exprimer dans n'importe quelle forme que cela puisse prendre, que ce soit à travers le genre, que ce soit à travers la personne que l'on aime, avec qui nous couchons et comment nous le faisons. Je crois vraiment que la libération sexuelle est une grande partie de notre libération dans son ensemble. Comme cette idée de, si le plaisir est au centre du travail que je fais, comment puis-je faire en sorte que d'autres personnes ressentent ce plaisir? Et comme tout le monde, je parle des gens dans ces espaces, sans distinction de classe, sans distinction de couleur. Comme le plaisir est politique, le sexuel est politique. Et oui, je trouve que quand on parle de sexe, on ne parle souvent pas de sexe, on parle de pouvoir.

 

- [aja monet] Oui et je pense au plaisir comme une mesure de cela, le plaisir de qui au détriment de qui parfois? C’est pourquoi je me pose beaucoup de questions sur la relation, parce que le pouvoir consiste à équilibrer l’accès et la relation au plaisir et en redéfinissant vraiment ce qu’est le plaisir. Parce que je pense que le sexe est le lieu où j’ai vu beaucoup de violence se produire. Et la supposition que tout plaisir est bon ou que toute sexualité exprimée, que les personnes libérées sexuellement le sont, parfois on a l’impression que la frontière est mince entre, comment distinguer ce qui est sain de ce qui ne l’est pas, parce qu’il y a des gens qui sont fans de toutes sortes de pratiques?


- [Ev’Yan Whitney] Oui. Je pense que c’est là que le consentement joue, non? Je pense que le consentement et la reconnaissance de l’humanité des autres sont vraiment, vraiment importants. C’est ce qui distingue vraiment les violeurs des personnes qui s’engagent dans des pratiques saines, consensuelles et sûres au sein de leur sexualité. Le consentement est tout et on ne peut pas parler de libération sexuelle sans parler de consentement et de son importance. Et par consentement, je ne veux pas seulement dire « Je peux te toucher? » Mais comme si je te voyais comme un être humain avec tes propres désirs, besoins, envies, tes propres traumatismes, ta propre tendresse? Comme, pouvons-nous être dans cet environnement sexuel, tout en tenant ces deux éléments dans chaque main? Peux-tu me voir comme un être humain? Je suis vraiment fasciné.e par ça, parce qu’on oublie souvent que les relations sexuelles sont des relations, sont des collaborations. Nous co-créons de l’énergie, des connexions et de l’intimité et nous avons une discussion l’un avec l’autre. Et le consentement est cette discussion et le consentement peut aider à faire avancer cette discussion et vraiment tracer ces lignes comme OK, qu’est-ce qui va te faire te sentir en sécurité? Qu’est-ce qui va me faire me sentir en sécurité? Qu’est-ce qui va peut-être brouiller les lignes de certaines dynamiques de pouvoir que nous avons entre nous? Qu’est-ce qui va défier la dynamique du pouvoir que nous avons entre nous? Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles le sexe, peut être un tel lieu de guérison transformatrice, parce que nous pouvons utiliser le sexe comme une sorte de plate-forme pour explorer, pour poser ces questions, pour libérer la vapeur, surtout si c’est de manière saine, consensuelle et sécuritaire.


- [aja monet] Super, merci. Ma dernière question pour toi est une question que nous essayons de poser à tout le monde. Puisque le balado s’appelle The Sound Bath, nous sommes vraiment intéressés par la capacité de guérison des discussions et de l’écoute et je voulais te demander quel genre de sons t’apporte la paix, la sensualité et l’intimité? Quelles sortes de sons te viennent à l’esprit, qui te font te sentir bien et entier.ère dans ton corps?

 

- [Ev’Yan Whitney] J’adore cette question. Donc, les sons qui me nourrissent vraiment. Je suis un.e tel.le mélomane. J’écoute tellement, tellement de musique et il y a généralement quelque chose qui joue chez moi à chaque instant. J’aime aussi beaucoup les sons de mon quartier, même les mauvais sons, même les souffleurs de feuilles et les motos. Cela me propulse vraiment dans la mémoire, comme si j’étais ici dans ce corps, dans cette maison, sur cette terre. Et il y a des oiseaux et il y a du soleil et il y a des papillons et il y a des souffleurs de feuilles. Cela m’aide vraiment à m’enraciner et à m’ancrer dans le moment présent et me rappelle qu’en ce moment, je suis en sécurité, en ce moment, j’ai mon corps et il y a du plaisir. Comme s’il y avait un petit, un simple plaisir tranquille dans cette expérience d’être dans mon corps.


- [aja monet] Merci. J’apprécie que tu partages ça avec nous. Et merci beaucoup pour ton temps et pour cette discussion essentielle. J’espère que tu te sens écouté.e et apprécié.e pour tout ce que tu as partagé. Je te remercie de ton temps.


- [Ev’Yan Whitney] Merci beaucoup de m’avoir invité.e. C’était une conversation merveilleuse, j’ai adoré chaque seconde.


- [aja monet] Merci beaucoup à notre public d’avoir écouté cette émission. À la prochaine, et profitez bien de cette belle méditation sonore.

Balado The Sound Bath

Balado The Sound Bath