
Derecka Purnell, avocate américaine, organisatrice et auteur de Becoming Abolitionist, discute avec aja de l’abolition, de la façon dont le capitalisme racial tue les Noir.e.s et de l’importance de démanteler les systèmes d’oppression qui conduisent à la violence. Iels explorent le pouvoir de cultiver un espace d’apprentissage pour les enfants et abordent la façon dont les espaces de justice sociale sont des expériences profondes et désordonnées des personnes que nous essayons d’être.

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Aja vous invite à répondre à certaines des questions que nous posons à nos invité.e.s du balado The Sound Bath : des questions qui nous transforment et nous révèlent.
En soumettant votre message vocal, vous nous autorisez à utiliser l’enregistrement dans les prochains épisodes de The Sound Bath.
Transcription
- [Derecka Purnell] Un capitalisme racial est en train de tuer les Noir.e.s. Fred Moten a cette phrase incroyable où il dit « La politique tue plus de Noir.e.s que la police. » Et c’est vrai. C’est vrai. Notre risque de mort prématurée est une conséquence directe des décisions politiques et stratégiques qui sont prises par des gens qui sont maintenant noirs et bruns au pouvoir. Ainsi, c’est la réalité dans laquelle nous sommes. Très bien, c’est la réalité dans laquelle nous sommes.
- [aja monet] Bonjour. Mon nom est aja monet, et vous écoutez The Sound Bath, un balado présenté par Lush Cosmétiques. Merci beaucoup de nous rejoindre dans ce parcours de la deuxième saison. Nous avons eu tellement de belles et inspirantes conversations. C’est le dernier épisode de cette saison, mais restez à l’écoute pour la suite. Aujourd’hui, nous accueillons Derecka Purnell. Elle est avocate spécialisée en droits de la personne, chercheuse, et autrice qui lutte contre la violence policière et carcérale en fournissant une assistance juridique, des recherches, et des formations dans des organismes communautaires à travers un cadre abolitionniste. En tant que boursière du programme Skadden, Derecka a aidé à construire le Projet de Justice au bureau national d’Advancement Project qui s’est concentré sur les décrets de consentement, la responsabilité des policiers et des procureurs et la fermeture des prisons. Dans le sillage de la pandémie de coronavirus, elle a co-créé le COVID-19 Policing Project au Hub de Ressources Communautaires pour la Responsabilité de la Sécurité. Le projet suit les arrestations, le harcèlement, les déclarations, et autres mesures d’application des ordres de santé publique liés à la pandémie. Derecka a obtenu son diplôme de la Harvard Law School, son baccalauréat ès arts de l’Université du Missouri, Kansas City, et a étudié les politiques publiques et l’économie à l’université de Californie-Berkeley en tant que boursière en droit de la Politique Publique et des Affaires Internationales. Ses écrits ont été publiés dans The Oxford Handbook of Race and Law in the United States, à paraître. Le Harvard Journal of African American Policy, The New York Times, The Atlantic, The New York Magazine, Boston Review, Teen Vogue et Harper's Bazaar. Elle est actuellement chroniqueuse au Guardian et chercheuse résidente à la faculté de droit de Columbia. Mais surtout, elle est l’autrice de Becoming Abolitionists. Je suis très heureuse de l’avoir avec nous. Commençons. Je suis très heureuse de vous avoir, Derecka. Il y a tellement de choses dont je veux vous parler, mais nous allons commencer par un très, très rapide, rapide bienvenue et merci d’avoir accepté de participer. Je sais que vous êtes occupée et que vous travaillez sur tant de choses merveilleuses dans le monde, mais c’est un honneur de vous entendre vous exprimer et d’être en conversation avec vous. Alors que nous vous accueillons, je pense que la meilleure façon de commencer est de me faire savoir, et de faire savoir aux auditeurs, comment aimeriez-vous être décrite? Comment vous voyez-vous dans le monde? Comment pensez-vous que les gens vous perçoivent, ou comment vous identifiez-vous aujourd’hui?
- [Derecka Purnell] Je suis une étudiante de la Tradition Radicale Noire. Je suis un enfant d’auteur.ice.s, de comédien.ne.s et de danseur.euse.s. Je suis un parent, de très, très mesquins et précieux enfants. J’ai cinq frères et sœurs. Je suis la compagne d’une personne incroyablement aimante, et j’essaie de mon mieux, et pendant mes meilleurs jours d’essayer d’être une bonne amie pour celleux qui m’aiment, qui me soutiennent et m’encouragent.
- [aja monet] Ce sont de merveilleuses façons de vous décrire, et elles sont toutes très vraies.
- [Derecka Purnell] Aw, merci.
- [aja monet] Ce pourrait ne pas être la façon dont beaucoup de gens commenceraient, mais je veux parler de vos enfants. Récemment, vous m’avez fait part d’une situation de votre fils, je crois que c’est Juice?
- [Derecka Purnell] Oui.
- [aja monet] Et Robin D.G. Kelly, incroyable érudit et historien de notre temps, dans une conversation l’un avec l’autre lors d’une lecture de livre, je crois.
- [Derecka Purnell] Oui.
- [aja monet] Et ce moment où votre fils parle respectueusement à un aîné de notre communauté fut si puissant où je pense, non seulement il a présenté sa propre analyse créative, ambitieuse, merveilleuse, et très sévère du monde, mais aussi un peu de son imagination. Et cela s’est vu, vous savez, c’était vraiment beau de voir l’environnement dans lequel il a grandi qui a été capable de produire une jeune personne qui pouvait parler si librement de ses propres idées et sa propre façon de voir le monde. Et je voulais vous demander, ce que cela a coûté, d’élever un enfant, pas seulement un abolitionniste et un érudit, et un écrivain comme un penseur, mais juste comme une mère dans ce monde qui veut voir un monde différent. De quelle manière ressentez-vous que vos enfants vous poussent et aussi, vous invitent à de nouvelles visions et de nouvelles façons de voir le monde ? De quelle manière avez-vous dû protéger et inculquer certaines visions au sein de la famille?
- [Derecka Purnell] Je suppose, comme je l’ai dit dans mon introduction, je suis une enfant d’auteur.ice.s, d’artistes, de danseur.euse.s, de mécanicien.ne.s, d’infirmières. Enfin, tout ça, non? Et à cause de la façon dont nous avons grandi, à cause de l’endroit où nous avons grandi à South St Louis, dans le quartier soutenu classique, les habitan.e.ts prenaient soin les un.e.s des autres. Et j’ai grandi dans des environnements qui étaient profondément intergénérationnels. Lorsque j’avais une vingtaine d’années, nous avions cinq générations vivantes de personnes dans notre famille, et nous étions tou.te.s dans des pièces ensemble, toujours à se disputer entre nous. Les enfants jouaient, mais les enfants étaient également invité.e.s à faire partie des conversations. Et donc, dès l’âge de 10 ans, j’étais la meilleure et la préférée des partenaires de ma mère, vous voyez? C’est le genre d’environnement dans lequel nous avons grandi. Et donc maintenant, en tant que parent, surtout à une époque où les gens sont beaucoup plus, du moins semblent être beaucoup plus déconnecté.e.s des espaces personnels et beaucoup plus attiré.e.s par la vie virtuelle, des moments fugaces, j’ai essayé de protéger une partie de ce qui rendait mon enfance si spéciale, c’était l’aspect intergénérationnel, vous voyez, ces opportunités intergénérationnelles d’apprendre et de grandir, où les enfants, les aînés et les adultes apprennent et grandissent tou.te.s et se poussent les un.e.s les autres. Et donc je me suis sentie très, très chanceuse d’avoir des enfants avec qui je peux converser, avec qui je peux être honnête sur certaines choses du monde. Pas toutes, mais certaines. Et j’ai essayé de me dépasser de la même manière que ma mère s’est efforcée lorsque mon enfant posait une question, à ne pas toujours dire, tu sais, ne t’inquiète pas pour ça, ou je ne sais pas, ou d’arrêter de parler, pour les faire taire. Mais pour offrir une explication du monde, pour répondre à cette question avec aussi un certain niveau d’humilité. Et quand je ne sais honnêtement pas quoi dire, oh, vous comprenez, en fait, je ne sais pas, nous devrions chercher cela. Ou, c’est pourquoi je pense que cela se produit, pourquoi penses-tu que cela se produit? Et donc être capable de converser avec Juice, mon aîné, et avec Garvey, mon cadet, de cette façon, je pense que cela a vraiment cultivé un espace d’apprentissage pour nous tou.te.s, pour nous trois, et ensuite pour d’autres personnes de notre famille. Et j’ai remarqué que lorsque Juice et Garvey me posent des questions, ils me mettent au défi. Je réalise que vous pouvez avoir toutes les analyses sur le féminisme et les identités homosexuelles, les frontières et la race et le capitalisme, mais votre enfant est aussi conditionné par ces mêmes idées, explicitement, implicitement, parce qu’ils sont à l’école toute la journée, et ils regardent la télé, et ils ont des amis. Et vous devez vous engager à pratiquer votre politique, à mettre en pratique les types d’histoires, de personnes et d’idées que vous leur présentez. Par exemple, je n’avais pas réalisé que toute la journée à l’école, mes enfants entendent garçon et fille. Bonjour les garçons et les filles. Ce sont les toilettes des garçons et des filles. C’est la file des garçons et des filles. Je dois donc présenter à mes enfants le concept de genres multiples et non-binaires. Entendre mes enfants assimiler ce vocabulaire, ça me fait me sentir plus en sécurité et plus à l’aise, parce que je sais que ça diminue la probabilité qu’ils agissent violemment envers quelqu’un sur la base du genre, n’est-ce pas? Parce qu’ils savent que les gens ne sont pas binaires. Pour eux, c’est une seconde nature que les gens aient plusieurs genres. Et donc, dans cette conversation avec Robin, Juice pensait tout haut, en public, il pensait dans cet espace intergénérationnel au capitalisme, au vote et à la démocratie, et il pose des questions, mais aussi en présence de quelqu’un comme Robin, qui était aussi prête à poser des questions à Juice, et ensuite Juice peut appliquer ce que nous avons pratiqué à la maison, qui est de réfléchir et de répondre avec un ensemble de curiosité et d’humilité. Et donc c’est intéressant. C’est une expérience en cours, je crois, qui continuera aussi longtemps que j’aurai des enfants parce que j’espère faire des adultes curieux et humbles.
- [aja monet] Oui, certainement. Au moins dans les relations et l’amitié. Je sais que vous le faites. Alors je suis sûre qu’en tant que mère, c’est tout aussi évident. Je voulais introduire dans la conversation pour celleux qui ne savent pas, qui écoutent et qui découvrent l’abolition pour la première fois, qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être abolitionniste?
- [Derecka Purnell] Eh bien, il y a différentes traditions d’abolitionnisme. Quand je dis que je suis abolitionniste, je m’inscris dans une certaine tradition d’abolition des prisons, l’abolition du complexe industriel. Et pour moi, cela implique un projet plus large pour abolir toute communauté carcérale de violence coloniale capitaliste, d’abolir les systèmes qui rendent cette violence possible, et s’engager à construire un monde qui est plus juste, un monde que nous méritons tou.te.s. Et donc, cela ressemble à un processus où nous nous battons pour éliminer ces formes de violence en même temps, au fil du temps, jusqu’à ce qu’elle soit obsolète. Et donc, c’est comprendre que les types d’abolitions que nous voulons voir, la destruction totale de ces systèmes ne se produiront pas du jour au lendemain. Mais c’est un engagement à faire ce que Fanon nous a demandé de faire, qui est d’examiner le genre de questions qui déterminent ou définissent la mission pour la génération qui est en vie aujourd’hui et de nous demander, quelle est notre mission pour ce moment dans le temps de diminuer cette violence, d’arrêter le capitalisme, pour changer, vous savez, les relations coloniales, de les bouleverser et les détruire? Quelle est notre contribution aux rêves révolutionnaires, aux idées, aux luttes populaires qui sont devant nous aujourd’hui? Et comment pouvons-nous nous assurer que les gens pour qui nous nous battrons dans le futur ne seront pas en retard dans leurs luttes? C’est ce que signifie, selon moi, être abolitionniste. Et donc, c’est ce que j’invoque quand je me dis abolitionniste.
- [aja monet] Vous écoutez The Sound Bath, un balado de Lush Cosmétiques. Mon nom est aja monet. Je suis actuellement en conversation avec Derecka Purnell, une avocate spécialisée dans les droits de la personne, chercheuse et autrice. Ensuite, je voudrais lui parler de la dynamique du pouvoir dans notre société. Mais d’abord... Je me demande, vous savez, aucun de nous n’a les réponses aux solutions, mais comme vous le disiez et que vous pensiez au sujet de notre penchant humain à penser à la protection et à la défense par rapport à la police et aux prisons dans notre société et la sécurité, etc, vous savez, il y a une sorte d’hyper, je suppose, militarisation du public, d’une certaine manière. Depuis qu’on est jeune, nous voyons des films à la télé, et tout ce genre d’émissions où il s’agit d’essayer de capturer le méchant ou de faire en sorte que les gens soient des sauveur.euse.s et mettent les gens en prison, ou faire en sorte que les gens de cet autre pays perdent la guerre, ou quoi que ce soit d’autre. Je voulais vous demander quelles sont les choses fondamentales qui, selon vous, doivent changer dans la façon dont nous voyons les relations entre les individus? Je sais que c’est souvent le cas, la réfutation de l’abolition ou de l’enquête peut conduire les individus à se demander ce qu’il adviendrait si j’étais maltraité ou si cette personne violait ou faisait du mal à quelqu’un? Vous savez, nous utilisons de très grands mots pour parler de choses qui sont très pratiques dans notre vie de tous les jours, qui se manifestent de manière très pratique dans le quotidien. Et je me demande, si quelqu’un devait écouter ce qui pourrait être un exemple de ce que que vous avez vécu dans votre vie personnelle, quelque chose que vous auriez facilité ou si vous avez vu quelqu’un d’autre le faire entre deux personnes, deux parties, etc., qui avaient des griefs, du mal, un conflit, et qui ont été capables de trouver un moyen vraiment puissant de résoudre ce conflit entre elleux?
- [Derecka Purnell] Donc je pense que pour les gens qui posent ces questions, une chose que j’essaie de dire est que l’abolition n’est pas une baguette magique. Elle ne va pas faire disparaître tous les maux. C’est un engagement à éradiquer le mal, et à trouver les meilleurs moyens de les prévenir, et d’y répondre. C’est un projet abolitionniste. Cela ne veut pas dire qu’une fois que la police et les capitalistes et tous ces trucs disparaissent, nous allons juste vivre en parfaite harmonie. Je n’ai pas entendu d’abolitionnistes sérieux ou d’organisateur.ice promouvoir cela. Ce n’est pas ce qu’est l’abolition. Au moins les traditions dont je suis issue reconnaissent que tant de mal que nous avons dans la société est complètement évitable. Et tant de mal que nous avons dans la société est enraciné dans des projets oppressifs plus larges comme le capitalisme, le colonialisme, le racisme, l’homophobie, n’est-ce pas? Vous ne pouvez pas appeler la police parce que quelqu’un est homophobe. Cela n’arrête pas l’homophobie. Si quelqu’un est tué parce qu’il déteste les gays, alors nous ne pouvons pas nous emprisonner pour ça. Ce n’est pas le cas, vous saisissez Et en plus, la police en prison est un lieu qui concentre la violence, concentre le racisme, l’homophobie, et l’inégalité. N’est-ce pas? Tous les détenu.e.s, si nous regardons combien d’argent iels ont, sont pauvres et exploité.e.s. Vous savez, toute cette violence découle de l’inégalité. Une personne peut rester dans une relation abusive, car elle n’a pas d’endroit où aller si elle part. Je connais plusieurs personnes dans cette situation qui ne savent pas où aller, qui ne peuvent pas faire garder leurs enfants. Vous comprenez, je parle d’Anes dans le livre comme d’un exemple. Anes était dans un mariage terriblement abusif, et était inquiète à l’idée que si son mari continuait à la battre, elle mourrait, mais s’il allait en prison, elle ne serait pas en mesure d’utiliser son revenu pour la garde des enfants. Ce sont les conditions dans lesquelles les gens souffrent. Vous savez, en ce qui concerne la violence sexuelle, parfois nous pensons au viol, nous confondons cela avec la violence sexuelle, mais qu’en est-il de tous ces individus qui ont des relations sexuelles, je suppose que c’est consensuel, parce qu’iels ne veulent pas se battre ensuite, n’est-ce pas? Qui ont utilisé le sexe pour prévenir la violence? C’est de la violence aussi. Ou qui se sentent obligé.e.s de le faire par obligation. Nous ne nous battons pas seulement pour éliminer le viol, nous essayons de nous battre pour que les gens puissent déterminer librement ce qu’iels veulent faire avec leur corps en toute sécurité. C’est ça le but. Ce serait ma première série de réponses pour les personnes qui pensent, que va-t-il se passer si quelqu’un te fait du mal? Et beaucoup de choses ne sont pas nouvelles. Beaucoup de choses ne sont pas nouvelles. Vous savez, dans le livre, je parle d’être une victime de violence sexuelle, d’être violée. Et ce que je n’ai pas inclus dans le livre, c’est qu’après que cela se soit produit, j’ai eu une conversation avec la personne qui l’a fait. Et je lui ai dit « Hey, c’est arrivé. C’était nuisible. Cela m’a blessée de cette façon, et cela n’aurait pas dû arriver. » Et ce que je voulais absolument, c’était la reconnaissance que c’est arrivé, et je voulais des excuses. C’est quand l’autre personne s’est excusée que nous avons eu de profondes conversations à ce sujet. Et je ne savais pas que c’était possible. Je n’ai pas réalisé que c’était possible. Ensuite, j’ai réfléchi à ce qui m’avait poussé à avoir une conversation avec cette personne. Je me souviens qu’un.e membre de ma famille a fait quelque chose de similaire avec son père, et a dit « Quand j’étais enfant, cette chose violente m’est arrivée. Tu m’as fait cela, et tu as besoin de me l’entendre dire. » Et donc, les gens sont confronté.e.s à des situations violentes tout le temps. Les gens disent « Cette chose est arrivée » et iels se débattent, cherchent des gens qui les croient, qui vont valider leur expérience, ou essayent de trouver la meilleure façon de se sentir mieux. Danielle Sarah m’a dit que la majorité des personnes avec qui elle travaille, qui ont vécu de la violence interpersonnelle, physique ou sexuelle, ne veulent pas que leur agresseur aille en prison. Iels veulent que l’on reconnaisse ce qui s’est passé, leurs sentiments, et veulent des excuses. Iels veulent arrêter de souffrir. Regardez les données des appels au 911. Les personnes appellent la police pour mettre fin à la violence, mais ne veulent pas porter plainte. Iels essaient de comprendre comment faire pour que la violence s’arrête. Vous ne pouvez pas observer, ou, du moins, vous ne devriez pas être en mesure d’observer un processus de justice réparatrice. Et ils sont tous différents, ils ont tous, vous savez, des résultats différents. Les personnes arrivent autour de la table avec des sentiments différents, différentes idées de ce qui devrait se passer. Vous avez des processus de justice réparatrice et transformatrice qui sont issus des traditions indigènes et noires, où il y a seulement la personne qui a été blessée, même pas la personne qui, a commis un acte de violence. Et les individus cherchent la guérison, essayent de comprendre comment iels peuvent se sentir autrement ou naviguer dans leur vie sachant maintenant que cette chose violente leur est arrivée. Ou cela s’est produit de manière systémique et répétée, et elle doivent composer avec cette réalité. Et donc, tous ces processus semblent très différents. Encore une fois, ces traditions de s’assurer que les individus sont capables de guérir de leur traumatisme, de se réconcilier ou de se confronter ou de rencontrer les personnes qui leur ont fait du mal, ces systèmes, idées et pratiques sont beaucoup plus anciens que la police dans les prisons, beaucoup plus anciens. Je pense qu’il est important que nous nous inspirions d’eux et que nous nous en souvenions, et que nous reconnaissions, tou.tes les praticiens de la JT et de la JR qui font ce travail en ce moment. Mais ce ne sera pas la solution ultime au complexe industriel carcéral. Encore une fois, c’est l’un des outils dont nous avons besoin pour nous aider à réparer et à avancer vers la guérison de l’injustice, mais nous devons le faire en même temps que le démantèlement des systèmes qui causent tant de violence en premier lieu.
- [aja monet] Mm. Mm. Oui. Ooh, c’était une super, super, vous savez, réponse. Je pense qu’une partie de ce avec quoi je luttais aussi en formulant cette question était de penser à que savons-nous des relations humaines qui font que les relations en général, soient comme une collaboration compliquée, non? Comme si, j’avais l’impression que dans les espaces d’organisation, nous pensons et supposons souvent que les gens vont se montrer d’une certaine manière ou d’une certaine façon ou de cette façon, mais on ne le sait pas vraiment tant qu’on n’est pas en relation avec quelqu’un, et tu dois faire face à la difficulté de cela. Je pense que parfois, tu sais, ce qui semble se produire dans la conversation est que les gens sont tous d’une façon, ou de cette façon, ou de cette façon, et ce n’est tout simplement pas démontré comme étant vrai. Nous avons différents niveaux et degrés de problèmes auxquels nos communautés sont confrontées et les gens se présentent de toutes sortes de façons. Et je pense que nous avons moins de compassion les un.e.s envers les autres que, je ne sais pas, les générations précédentes, mais au moins on a l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de compassion.
- [Derecka Purnell] Oui.
- [aja monet] Oui, pour se montrer les un.e.s aux autres.
- [Derecka Purnell] Oui.
- [aja monet] Oh, vas-y.
- [Derecka Purnell] Non, tu as tout à fait raison. Je parlais justement de ça avec Miriame Kaba. Nous avons eu un panel et, en gros, quelqu’un nous a dit après le panel « Hey, vous savez, tous ces espaces sont mauvais et toxiques et terribles, et les gens ont ces idées. » Et donc Miriam et moi, nous avons commencé une conversation à propos de « Vous n’allez pas vous pointer dans un endroit qui est parfait, surtout dans un lieu de rassemblement. » Par exemple, il est impossible de se présenter dans un espace de justice sociale où le patriarcat, le racisme et l’homophobie ont disparu, parce qu’en général les gens qui viennent dans ces endroits ont été conditionnés dans une société où tous ces maux se manifestent. Dans nos lieux de justice sociale, dans nos espaces engagés dans la libération, nous devrions vivre des expériences profondes et désordonnées sur les personnes que nous essayons d’être, et des endroits que nous essayons de créer. Voilà ce que c’est. Ce sont des expériences profondes et désordonnées. Et nous devons décider si nous allons nous engager à faire partie de cette expérience désordonnée. Et cela ne signifie pas tolérer le mal ou accepter la violence, mais ça veut dire aller dans un espace et savoir que les gens sont là pour apprendre. Iels pourraient ne pas avoir raison. Iels peuvent ne pas dire la bonne chose et être prêt.e.s à être mis au défi de les tenir responsables. Et pour être de l’autre côté de ça, de savoir que si vous êtes une personne blanche, vous avez probablement des idées très racistes sur les personnes de couleur, non? Des idées très, très problématiques. Et si quelqu’un le dit pour ne pas être genre, eh bien, je ne peux plus aller dans cet endroit, vous voyez? Et aussi, si quelqu’un le dit pour dire, que j’ai besoin d’y réfléchir, tu vois. Je vais aller apprendre où je vais aller le découvrir. Mais les gens devraient constamment se remettre en question. Mais s’il s’avère que nous ne pouvons pas lutter dans ces endroits avec ces expériences profondes et désordonnées d’essayer de passer à une société plus juste, alors il n’y aura jamais d’endroit qui soit assez bon pour que l’un de nos travaux se produise, et c’est ce qui m’effraie. Ce qui m’effraie, c’est que la conversation sur le racisme envers les Noir.e.s rejette complètement toutes les possibilités de lutte profonde avec d’autres personnes opprimées. Vous comprenez? Ça me rend nerveuse, genre, oui, bien sûr que ces gens sont racistes envers les Noir.e.s. On a été élevé.e.s dans une telle société, mais ça ne peut pas être la fin de la discussion. Ça ne peut pas être la fin de la discussion. Mais, oui, les gens, bien sûr, vont vous traiter de patriarche ou de misogyne, mais cela ne peut pas être la fin de la conversation.
- [aja monet] Mm. Oui.
- [Derecka Purnell] Demandez-vous ce que vous avez fait pour reconnaître et comprendre comment la misogynie, le patriarcat et toutes ces choses se manifestent. Parce qu’au final, votre engagement les un.e.s envers les autres est de lutter contre le système qui produit la misogynie et le racisme. Et si vous ne pouvez pas lutter avec quelqu’un qui est prêt.e à essayer, vous vous engagez essentiellement à laisser les personnes racistes s’épanouir, et ça me rend nerveuse.
- [aja monet] Hmm. Ooh. Oui.
- [Derecka Purnell] Pas seulement le racisme, oui.
- [aja monet] Ah, désolé.
- [Derecka Purnell] Non.
- [aja monet] C’est tout ça, oui. Pas seulement le racisme, tout ça.
- [Derecka Purnell] Oui. Oui. C’est tellement vrai. Je pense que ce dont tu parles est à propos de l’indifférence. Tu sais, on ne peut pas se permettre d’être indifférent.e aux choses qui se passent ou aux problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que communauté. Et si nous savons que nous sommes une société parmi tant d’autres, qui composent le monde dans lequel nous vivons ensemble, le pays, les villes et les États, alors nous devons nous engager au minimum à espérer pour quelque chose de plus grand les un.e.s pour les autres, vous voyez? Parce que c’est tout ce que nous avons.
- [aja monet] C’est ce que nous avons.
- [Derecka Purnell] Oui, c’est ça. Oui.
- [aja monet] Littéralement, je déteste vous le dire, mais c’est tout ce que nous avons. Eh bien, cela m’amène à une autre partie de la conversation dont je voulais vous parler. Vous voyez, dans votre article, ce système est construit pour le pouvoir, pas pour la justice. Vous parlez de la façon dont les réformes ne créent pas des sociétés plus justes, juste des sociétés où plus de gens de couleur sont responsables de la violence. Et c’est une partie vraiment importante de la discussion pour moi, parce que je pense que l’hypothèse est que si nous mettons plus de personnes de certaines identités à des postes de pouvoir, nous aurons la justice ou que nous verrons un changement ou une évolution. Maintenant, alors que l’identité est un point d’entrée dans les questions et que les gens peuvent avoir une certaine vision basée sur ces identités qui aident à trouver des solutions, ce n’est pas toujours le cas que cela se traduise par des solutions et en guérison dans la communauté. Donc je voulais vous demander, quelles sont les choses que vous voyez comme des luttes pour aller de l’avant dans lesquelles nous sommes en ce moment, et qu’en allant de l’avant, nous devons être consciente.s alors que nous commençons à changer la dynamique du pouvoir dans notre société?
- [Derecka Purnell] En rapport avec la diversité et la représentation?
- [aja monet] Oui, la représentation, l’inclusion, l’identité, la politique, toutes ces choses qui sont vraiment importantes pour que nos mouvements soient, vous comprenez, centrer et compréhensif, mais ils ne sont pas là où le mouvement s’arrête. Ce sont des moyens de parvenir à une fin, mais ce n’est pas là que ça s’arrête. Et je pense que parfois cela devient la fin, vous voyez, cela devient la chose. Eh bien, je suis assuré parce que j’ai cette personne dans cette position, ou j’ai engagé cette personne pour parler de cette chose, et nous avons beaucoup de gens qui ont de nouvelles positions après, vous voyez, le meurtre et la brutalité dont nous avons tous été témoins avec George Floyd dans les soulèvements. Cependant, je ne sais pas si nous avons réellement résolu, déplacé, transformé et changé les conditions matérielles des personnes qui sont profondément touchées par la police, les prisons, la pauvreté, etc.
- [Derecka Purnell] Oh, non, la situation a empiré. En fait, c’est littéralement devenu pire. N’est-ce pas? Et donc, plus de policiers ont été poursuivis pendant cette période. Nous avons un vice-président noir et indien, nous avons la première femme noire à la Cour Suprême, nous avons un secrétaire de presse noir. Enfin, nous pouvons énumérer toutes les figures de proue qui sont en fonction. Nos universités, il y a tellement d’écoles qui ont répondu à la violence et au meurtre des trois personnes que vous venez de nommer, George Floyd, Breonna Taylor, Ahmaud Aubery, et plus encore. Donc nous allons nous engager à recruter de nouveaux professeur.e.s d’origines diverses. Nous allons nous engager à cela. Il y a eu une explosion de nominations, de représentation, et ce n’est pas nouveau. Je passe du temps à lire la littérature criminelle initiale, la criminologie. Et ce qui tend à se produire, c’est que vous avez ces criminologues qui disent, bien, si nous regardons les conséquences de Rodney King, ou si nous regardons les conséquences des émeutes raciales dans les années 60, vous savez, les rébellions, si nous regardons les conséquences, ce qui est arrivé de plus important, c’est qu’il y a eu plus d’officiers de police noirs, plus de cadres policiers noirs, plus de maires noirs, vous voyez? Et vous voyez cela dans le livre de Keeanga Yamahtta Taylor From Black Lives Matter to Black Liberation. Donc nous savons que c’est une période que nous vivons juste dans ce moment, encore, maintenant. Et si nous ne continuons pas à lutter, ce sera un processus qui continuera encore et encore et encore et encore. Mais quand je dis que la situation a empiré, ce que je veux dire c’est que les inégalités ont augmenté parce que le capitalisme continue de dominer la planète. Nous voyons que les personnes Noir.e.s, pauvres et handicapées meurent de manière disproportionnée dans cette pandémie. Nous voyons que les meurtres de policiers sont en passe d’être plus élevés cette année qu’ils ne l’étaient l’année où George Floyd a été tué, n’est-ce pas? C’est la réalité, vous savez, avec toutes les promesses de réforme, nous avons plus de caméras corporelles, nous avons plus de policiers noirs, plus de policiers gays, plus de femmes policières. Nous avons toutes ces réformes, et que se passe-t-il? La police est littéralement sur la voie de tuer plus de gens. La police continue d’arrêter deux millions de personnes chaque année. Les personnes qui subissent de multiples arrestations ont des revenus qui sont inférieurs à 10 000 $ par an selon l’initiative de politique pénitentiaire, d’accord ? C’est donc la réalité que nous avons. Et donc, d’un côté, je compatis profondément avec les Noir.e.s qui ont la cinquantaine, la soixantaine et plus, qui endurent des types particuliers de racisme, qui regardent le juge de la Cour Suprême Jackson, et se disent, eh bien, vous savez, si quelqu’un est qualifié pour ce poste, c’est bien elle. Et iels savent qu’une mesure de la suprématie blanche est la façon dont vous êtes traité quand vous êtes une personne noire, surtout une femme noire, surtout une femme noire avec des locs, deux diplômes d’Harvard, un dossier judiciaire stellaire. C’est comme si tous ces autres gens n’avaient pas dû travailler deux fois plus dur pour arriver à la moitié de ce qu’elle a. Et donc il y a une défense de ce qu’il lui a fallu pour qu’elle y arrive. C’est la même chose avec Kamala Harris. Kamala Harris, quand elle est devenue la première femme vice-présidente sur le choix, les gens étaient comme, oh, ok, prépare-toi parce qu’on sait qu’ils vont s’en prendre à elle parce que c’est une femme noire. Ils vont s’en prendre à elle parce qu’elle est mariée à un homme blanc. Nous savons qu’ils vont s’en prendre à elle pour toutes ces raisons. Et donc, nous devons la défendre contre ça. Mais la défense, des personnes noires qui sont dans ces positions ne peut pas masquer la violence que ces nominations continuent à entretenir. Et c’est là que je suis frustré. C’est là que je suis triste, vous voyez ? C’est quand je vois les mèmes du président Obama, huit ans, pas de scandales. C’est comme, eh bien, c’est parce qu’envoyer des drones dans les pays noirs n’est pas scandaleux aux États-Unis. Vous savez, comme si c’était ça qui faisait mal. Ok, allons jusqu’à la prochaine conclusion logique. Comment pouvons-nous défendre ces gens contre le racisme qu’ils vont, disons, endurer, mais aussi se rappeler qu’ils vont perpétuer le capitalisme racial dans ces positions. Et nous devons être honnêtes à ce sujet. Et le capitalisme racial tue les Noirs. Fred Moten a cette phrase incroyable où il dit : « La politique tue plus de Noirs que la police. » Et c’est vrai. C’est vrai. Notre proximité avec la mort prématurée est une conséquence directe des décisions politiques et stratégiques qui sont prises par des gens qui sont maintenant Noir.e.s et brun.e.s au pouvoir. Comme si c’était la réalité dans laquelle nous sommes, d’accord? C’est la réalité dans laquelle nous sommes. Et donc, si nous sommes tellement pris.e.s dans la magie des filles Noires et le hashtag « faites confiance aux femmes Noires », je suis enracinée pour tou.te.s les Noir.e.s, ces sentiments qui devraient être réservés pour les jeux Jeopardy!. Dans Jeopardy, j’encourage tou.te.s les Noirs. Dans The Price Is Right, j’encourage tou.te.s les Noir.e.s. Dans Family Feud, j’encourage tou.te.s les Noir.e.s, mais pas pour les gens qui sont au pouvoir. Je ne vais pas encourager Candace Owens. Quoi, vraiment? Tout le monde? Tout le monde dans les rêves les plus fous de mes ancêtres. Quels ancêtres? Quoi? Comme, les rêves de qui? Non, non, non, non. On ne peut pas prendre cette mentalité de jeu télévisé et l’appliquer à tout dans notre réalité, parce qu’alors, nous allons, qu’est-ce qui se passe? Quelle est la phrase que les enfants disent? Si vous jouez à des jeux stupides, vous gagnez des prix stupides. C’est ce qui va nous arriver. Et nos prix, ils ne sont pas seulement stupides, ils sont violents, et c’est littéralement une question de vie ou de mort,aAja. Je veux dire, vous voyez, ça, c’est la vie ou la mort.
- [aja monet] Oui. Drops mic. C’était merveilleux. Cette conversation a été magnifique. Il y a une dernière question que j’ai pour vous avant que tou.te.s les invité.e.s ne partent. Quels sons résonnent profondément en vous?
- [Derecka Purnell] Wow. J’aime les sons de hurlement.
- [aja monet] Mm-hmm.
- [Derecka Purnell] Comme le gospel profond, en quelque sorte, les hymnes et les hurlements.
- Mm-hmm.
- [Derecka Purnell] Je ne sais pas si c’est une catharsis. Je ne sais pas si j’ai ressenti une certaine libération ou une certaine liberté, mais quand les Noir.e.s sont dans un espace et que les gens pleurent, et que c’est une expérience spirituelle profonde, cela évoque être dans une église. Je l’ai expérimenté sur des plages à Porto Rico avec, cette petite communauté Noire à Louisa. Quand j’entends les gens se libérer par des plaintes et hurlements, je me sens si profondément connectée à tout le monde autour de moi. Je pense que c’est tellement aléatoire, mais je crois que c’est pour ça que j’aime vraiment la chanson de Tems, Higher, parce qu’il y a ce fond où elle fredonne et c’est tellement beau. C’est si léger. Donc, oui, c’est ça. J’aime le son de la pluie. Je m’endors souvent en écoutant le bruit de la pluie, parce que c’est très relaxant, apaisant et sécurisant. J’apprécie vraiment la pluie, et j’aime vraiment écouter les gens prier dans différentes langues. Dans le quartier où j’ai grandi, il y avait beaucoup de réfugié.e.s de l’Afrique de l’Est, la moitié était chrétienne, l’autre musulmane. Quand les portes s’ouvraient, on pouvait entendre toutes ces prières en arabe. Je ressens notre petit quartier de South St Louis, et quand je suis allée à Dubaï pour la première fois, et que je l’ai réentendu un matin, j’étais juste comme, oh, mon Dieu. C’est juste profond, profond, profond, profond. Donc j’aime quand les gens font des sons ensemble.
- [aja monet] Mm.
- [Derecka Purnell] Cela m’apporte une profonde paix et une profonde connexion.
- [aja monet] Oui. Eh bien, ça semble merveilleux. Merci beaucoup, Derecka, pour votre temps.
- [Derecka Purnell] Oui, bien sûr.
- [aja monet] Et pour vos commentaires, et je vous apprécie, et je vous aime tellement, et c’est toujours un honneur d’échanger avec vous.
- [Derecka Purnell] Oh, je vous aime aussi, Aja. Oui, c’était fantastique. Merci de m’avoir reçu.
- [aja monet] Merci beaucoup d’avoir écouté, et je vous encourage à écouter notre prochain balado. Veuillez profiter de cette belle méditation sonore.

Balado The Sound Bath