
Nana Darkoa Sekyiamah, l’autrice du livre The Sex Lives of African Women, se joint à Aja pour parler de la sexualité des femmes, du féminisme en Afrique et de l’importance des soins communautaires.

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Transcription
Aja Monet 00:07
Bonjour. Je m’appelle Aja Monet. Je suis poétesse de blues surréaliste et organisatrice, et j’anime The Sound Bath, un balado qui vous est offert par Lush Cosmétiques. Merci beaucoup d’être ici. Ce balado explore la signification du bien-être personnel, social et environnemental dans la société d’aujourd’hui. Ce balado est conçu pour être écouté dans le bain. Prenez place et relaxez. À la fin, vous aurez droit à une magnifique méditation sonore. Pour l’épisode d’aujourd’hui, nous accueillons Nana Darkoa Sekyiamah, une féministe ghanéenne et écrivaine. Elle est l’auteure d’un livre intitulé The Sex Lives of African Women.
Nana Darkoa Sekyiamah 01:13
Je pense que le monde dans lequel nous vivons est créé à partir d’une histoire. Et nous pouvons nous raconter une histoire différente pour créer un monde différent.
Aja Monet 01:22
La façon dont j’ai découvert Nana, c’est que j’étais au Ghana, à Accra, dans une librairie en rentrant chez moi, et j’étais sur le point de sortir du magasin quand j’ai vu une belle couverture avec les mots captivants sur la couverture, « The Sex Lives of African Women ». Je devais avoir ce livre entre les mains. Je dois être au courant de cette conversation. Que se passe-t-il, tu sais? Nana et moi discutons maintenant de son livre. C’est un peu l’univers et la façon dont il fonctionne. Je suis très heureuse que vous écoutiez tou.te.s cette conversation. Le travail de Nana met vraiment en lumière comment la diversité et les expériences des femmes africaines en ce qui concerne non seulement le sexe, mais aussi le féminisme, la chose la plus cruciale dans nos vies, je crois, changent le monde. C’est une personne merveilleuse, une penseuse politique forte et puissante. Et elle est très attentionnée au sujet de la diaspora, comment les soins et les soins communautaires sont vraiment une seule et même chose, est l’une des choses dont nous parlons aussi. Allons-y. Je suis tellement honorée et excitée et très encouragée de parler avec toi, Nana. Je suis tombée sur ton livre. J’étais au Ghana cette année. Je suis allée visiter la librairie la plus proche à Accra que quelqu’un m’a recommandée, et quand j’ai commencé à regarder autour de moi, je suis tombée sur cette couverture vraiment cool. En fait je suis un peu amère parce que je pense que la couverture à Accra est beaucoup mieux que la couverture aux États-Unis. Sans vouloir critiquer la personne qui a conçu la couverture américaine, ça m’a immédiatement arrêté dans mon élan. Je m’étais procuré un tas d’autres livres, et j’étais sur le point de partir. Et je l’ai vu sur le comptoir. Et la femme qui travaille à la librairie m’a dit : « Ce livre se vend comme des petits pains chauds; les gens adorent ce livre. Il faut l’acheter. » Donc, bien sûr, le titre est tout simplement intéressant et intrigant. C’est provocateur. Je pense que c’est une invitation à écouter, à apprendre. Mais c’est aussi un peu controversé, non? Parce que je ne pense pas que nous entendions parler de la vie sexuelle des femmes en général, ce n’est pas une conversation populaire, ce n’est pas confortable pour le public. Et pourtant, c’est une réalité. Et pourtant, c’est une partie de nos expériences. Et donc, je suis tellement contente d’avoir cette conversation avec toi. S’il te plaît, présente-toi et dis-nous comment tu en es venue à écrire et à devenir écrivaine, parce que je sais que ce livre est parti d’un blogue. Et donc je veux juste en apprendre un peu plus sur ton parcours dans l’écriture et pourquoi le langage et l’écriture sont-ils devenus ton moyen de communiquer tes histoires?
Nana Darkoa Sekyiamah 04:16
Merci beaucoup, Aja. Si c’était une vidéo, les gens me verraient sourire d’une oreille à l’autre. Je te suis depuis des lustres. Alors oui, merci beaucoup de ton appui. Je vais te parler un peu de moi, de mes antécédents et de la façon dont j’ai écrit ce livre. Oui, tu as raison. J’ai lancé un blogue en 2009 avec ma meilleure amie Malaka. Il s’intitule Adventures from the Bedrooms of African Women. Et c’était un espace que nous avons créé pour que les femmes africaines partagent leurs expériences du sexe et de la sexualité. Nous en sommes arrivées au point où nous nous sommes rendu compte que, oh, mon Dieu, tu sais, nous n’avions rien reçu s’approchant d’une éducation sexuelle complète en grandissant. Tout ce qu’on nous a dit, c’est « ne le faites pas ». Et personne ne dit vraiment ce que c’est. Et d’une façon ou d’une autre, tu dois le découvrir par toi-même, en grandissant. Et donc nous voulions juste créer un espace où les femmes pourraient se réunir, faire part de leurs histoires, partager leurs expériences. Et quand nous avons commencé, c’était beaucoup Malaka et moi qui bloguaient tout le temps. Nous bloguions sur nos propres expériences sexuelles. Et ce qui est arrivé avec le temps, c’est que les gens nous ont contactées et nous ont parlé de leurs expériences. Et avec le temps, j’ai réalisé que nos expériences de sexe et de sexualité en tant que femmes africaines étaient si diverses, elles étaient si différentes, et totalement pas ce qui était dans le mainstream, n’est-ce pas? Dans les médias occidentaux, en particulier, j’ai eu l’impression que les femmes africaines étaient toujours présentées comme des victimes de maladies comme le VIH et le sida, ou des femmes qui n’avaient aucun pouvoir sur leur vie, ou des femmes qui étaient constamment enceintes, ou des femmes qui avaient subi des MGF. Et j’ai su par le blogue que, oui, ces histoires peuvent être vraies, mais il y a tellement plus dans nos expériences. C’est beaucoup plus complexe. Et donc j’ai pensé, en fait, je vais prendre mon temps, interviewer autant de femmes africaines de tout le continent et de la diaspora et rassembler ça dans un livre. Et c’est ainsi que « La vie sexuelle des femmes africaines » est née.
Aja Monet 06:18
Wow. D’accord. La raison pour laquelle cela semblait aussi si opportun pour moi était une partie de la raison pour laquelle j’étais sur le continent. J’avais été amené par une organisation appelée V Day, qui a commencé après l’écriture des Monologues du vagin il y a 20 ans. Et chaque année, le même jour, le 14 février, qui est connu sous le nom de V Day (journée de la Saint-Valentin), des femmes du monde entier jouent cette pièce pour sensibiliser, recueillir des fonds et des ressources autour de la violence familiale, des agressions et même du plaisir. Et l’une des grandes choses que j’aimais dans ton livre qui ressemblait presque à une affirmation, la raison pour laquelle ça m’intrigue c’est que quand j’étais à Accra, mon amie, une autre sœur qui est en fait Ghanéenne, elle et moi avons eu une conversation avec des hommes au Ghana, d’Accra, que nous aimons et que nous savons aimer tendrement. Mais c’est devenu un peu tendu quand nous avons commencé à parler de certaines des expériences que nous savons que les femmes au Ghana avaient, tu sais, juste, par exemple, l’écart entre les salaires, alors que le Ghana est peut-être plus progressiste que certains autres pays du continent, pour ce qui est de la voix des femmes, des droits, de l’accès, ce qui n’a pas été facile, il y a des femmes qui se sont battues pour ces choses et qui continuent de se battre pour ces choses. Et il semble encore y avoir cette différence entre ce que les hommes pensent être liberté et égalité et autonomisation, toutes ces choses et ce que les femmes vivent réellement. Et je me souviens que cette conversation était si tendue parce que ces hommes disaient : « Eh bien, vous les femmes êtes de l’Ouest, vous ne savez pas ce que c’est. Les femmes du Ghana, elles sont très libérées, elles sont très libres, elles ont tout ce qu’elles peuvent désirer. » Et nous nous disons, « Non, il y a encore beaucoup de problèmes ici », tu sais, mais on suppose que c’est comme, quand les femmes commencent à parler, du moins sur le continent, de leur propre autonomisation, de leur propre capacité d’action, que c’est quelque chose qui vient de l’Occident. Et ce n’est pas quelque chose dont les femmes ont besoin, qu’elles recherchent et pour lequel elles se battent, et qu’elles créent chaque jour sur le continent, dans leur propre vie sous de très, très nombreux aspects. Il y a donc des femmes qui font ce travail depuis très, très longtemps. Et pourtant, il semble toujours y avoir cette conversation où l’hypothèse est que l’Occident apporte une certaine pensée féministe sur le continent qui n’était pas déjà là, tu sais? J’aimerais savoir ce que tu en penses, ta relation avec la diaspora et ce que tu as vu au Ghana qui a été si inspirant pour toi en tant que femme?
Nana Darkoa Sekyiamah 08:41
Je pense que c’est tellement ridicule quand les gens essaient de dire, oh, le féminisme n’est pas africain, non? Oh, une autre variante de cela, qui est un problème avec lequel nous sommes actuellement aux prises au Ghana, c’est que l’homosexualité n’est pas africaine. Et cela te sera toujours dit par quelqu’un qui porte probablement un complet occidental chic. Et je pense, je pense que c’est juste une façon pour les gens d’essayer de te faire taire, d’essayer de te contrôler, d’essayer de délégitimer tout ce que tu dis, en disant que ce n’est pas africain. Et je m’identifie comme une féministe africaine. Et pour moi, il s’agit vraiment de regarder mes ancêtres, mes ancêtres féministes, des femmes africaines qui par leurs actions, ont montré leurs politiques, tu sais, ont résisté à toutes sortes de discrimination, ont résisté aux puissances coloniales, ont résisté à être opprimées par leurs maris, résisté au coup d’État, ça fait partie de leur quotidien. Et donc, pour moi, quand il s’agit de féminisme, c’est une valeur africaine fondamentale. Et j’aime me décrire comme une féministe africaine parce que mon féminisme est préoccupé par les problèmes qui existent sur ce continent, et c’est, je suppose, mon cercle de préoccupations, et ce sont les questions sur lesquelles je veux travailler. Et en ce qui concerne la diaspora, pour moi, je m’identifie aussi comme panafricaniste. Il est donc très, très important pour moi qu’il y ait des liens solides entre le continent et sa diaspora mondiale. Parce que la seule raison pour laquelle il y a une séparation entre nous et celleux de la diaspora est à cause de l’esclavage, c’est à cause de la colonisation, à cause de la migration. Et donc, pour moi, cette réunification est vraiment, vraiment importante, tu sais ? Certaines personnes m’ont dit : « Oh, pourquoi as-tu appelé ton livre The Sex lives of African Women? Il y a tellement de gens de la diaspora que tu as interviewés. » Pour moi, ces gens sont des Africains, ce sont des descendants d’Africains. Et c’est, c’était vraiment, vraiment important pour moi de le montrer. Tu sais, jusqu’à il y a quelques années, par exemple, je ne savais pas qu’il y avait autant d’afrodescendants en Amérique latine. Notre peuple est réparti dans le monde entier. Et nous avons tellement en commun, même si nous avons été séparés par des continents et des océans. Et je pense qu’il est vraiment important que nous nous réunissions, que nous produisions des connaissances ensemble, et que nous partagions nos connaissances. Et pour moi, c’est pourquoi les efforts du Ghana pour favoriser les liens avec la diaspora sont vraiment importants, et en fait, j’aimerais que nous nous développions. J’ai l’impression que nous nous sommes vraiment concentrés sur la diaspora en Amérique du Nord, par exemple, ce qui est évidemment important. Mais que dire d’un endroit comme le Brésil, où nous avons la plus grande diaspora africaine en dehors du continent. Je suis allée au Brésil il y a quelques années, et c’est le seul endroit où je suis allée en dehors du continent où les gens me parlaient en supposant que j’étais une Brésilienne noire, où la nourriture dans la rue était exactement comme ce que je mange chez moi ici au Ghana, tu vois? Oui, donc pour moi, c’est ma relation avec la diaspora, il est important pour nous d’être connectés et de nous réunir autant que possible.
Aja Monet 11:54
Je suis tellement encouragée et inspirée quand je t’entends en parler parce que c’était très émouvant pour moi de retourner sur le continent et de réaliser, pour les gens sur le continent, qu’ils ont en quelque sorte une idée d’où ils viennent, quelle est leur histoire, leur tribu, ou leur région, d’où vient leur famille, mais pour ceux d’entre nous qui ont dû endurer l’esclavage et notre héritage d’une manière plus immédiate, je pense qu’il y a, je veux dire, la recherche d’une appartenance, n’est-ce pas, ce sentiment isolé que tu viens de quelque part, mais pas vraiment, culturellement il y a des choses que tu absorbes de l’endroit où tu es née et a grandi. Et pourtant, il y a encore ceci, cette chose qui existe là où cette fréquence spirituelle, ou résonance, ou vibration ou tonalité inexprimable avec laquelle tu te déplaces dans le monde. Et je pense que quand tu ressens une invitation, pas seulement une invitation, mais aussi une célébration, à rentrer chez toi, ou à faire l’expérience d’un sentiment d’appartenance, il y a quelque chose de vraiment profond, que je pense que parfois, se perd. Et je pense en particulier aux femmes, et il y a beaucoup de conversations autour des connaissances et de l’information que celles qui s’identifient comme des femmes ou des femmes qui se déplacent dans le monde, conscientes de leur connexion à leur corps, et ce que leur corps a vécu, qu’il existe constamment cet état d’appartenance. Je pense que pour moi, quand on m’a dit ce qu’était une femme. Je ne l’ai pas vraiment compris au début. Les enfants se déplacent dans le monde, et ils existent. Et puis on leur dit : « Oh, eh bien, voici la réalité de ton expérience. Voici ce qu’est ton expérience. » Et je voulais te poser des questions à ce sujet. Comme, est-ce que la femme et l’homme, l’identité réelle de ces, ces titres, ces titres spécifiques au genre, as-tu l’impression qu’il s’agit d’inventions? Ou as-tu l’impression que ce sont des choses naturelles que tu as, que tu en es venue à comprendre, d’une manière très naturelle, organique, comme une petite fille qui vient au monde?
Nana Darkoa Sekyiamah 13:56
Non, ce sont d’excellentes questions. Moi, je me sens comme une petite fille, j’ai résisté à tout ce qu’on m’a dit que les bonnes petites filles devaient faire. Tu sais, j’étais cette petite fille qui adorait s’asseoir dans un coin et lire mon livre. Et ma mère me disait : « Viens m’aider à cuisiner. » Et je me disais : « Je lis mon livre », tu vois? Et je me souviens même qu’à un jeune âge, elle disait : « Oh, mon Dieu, tu vas faire en sorte que la mère de quelqu’un m’insulte ». Et je ne l’ai compris qu’à l’âge de 20 ans quand je me suis mariée, et j’ai dit : « Oh, elle voulait que je sache comment cuisiner pour que je puisse cuisiner pour mon mari, et elle ne serait pas insultée par ma belle-mère », tu sais? Donc, pour moi, j’ai toujours résisté à ce genre de rôles genrés qui étaient attribués aux femmes. Ça m’a toujours paru injuste, mais je n’avais pas de langage pour l’exprimer quand j’étais petite, non? C’est seulement quand j’avais 19 ans que j’ai commencé à lire des livres de féministes. En fait, j’ai appris la théorie du féminisme des féministes afro-américaines. Des gens comme Bell Hooks, Alice Walker, Maya Angelou, cette génération de féministes afro-américaines ont été très, très influentes pour moi. Aussi, parce qu’à l’époque, j’étais dans la diaspora, j’étais au Royaume-Uni. Et donc, j’étais confrontée au racisme d’une manière que je n’avais jamais connue auparavant. Et cela en dit long sur le privilège que j’ai eu au Ghana, en tant qu’enfant de la classe moyenne. Et puis je suis soudainement allée au Royaume-Uni pour l’université et maintenant dans le cadre d’une sous-classe, comme, je ne m’intégrais même pas dans la société stratifiée. Et maintenant, je ne m’occupais pas seulement des questions de genre, je m’occupais des questions de race, et je ne savais pas vraiment ce qui se passait et j’essayais vraiment de comprendre. Et le féminisme m’a vraiment aidé à obtenir de la clarté, à comprendre la façon dont le monde était structuré, à comprendre la féminité telle qu’elle était construite. Et ça m’a vraiment donné beaucoup de, ça m’a vraiment donné beaucoup de pouvoir parce que j’ai eu l’impression que, OK, si notre genre est construit, si tout ce qu’on nous dit est inventé, alors on peut le défaire, on peut le défaire à notre convenance, et nous pouvons garder ces aspects qui fonctionnent pour nous et éliminer ceux qui ne fonctionnent pas. Et c’est vraiment comme ça que j’ai essayé de vivre ma vie depuis. Et je pense que pour moi, l’avantage d’être féministe, c’est que ça te donne un moyen d’identifier les gens qui pensent comme toi, de les reconnaître comme votre peuple, et d’être capable de former une communauté avec eux, ce qui est vraiment ce qui te garde en sécurité, et te garde bien, ça te garde heureuse. Et donc, j’ai d’abord découvert le féminisme par l’intermédiaire d’écrivains afro-américains et bien sûr ma prochaine étape logique a été, étaient les féministes africaines, tu sais, et je suis venu au féminisme africain principalement par le biais de romans. Eh oui, je pense que ces liens entre la diaspora et le Ghana ont toujours été forts. J’ai parlé de Maya Angelou tout à l’heure, et elle est comme, une de mes plus grandes influences. Et le premier livre qu’elle a lu était All God’s Children Need Travelling Shoes. Et c’était à propos du temps où elle vivait au Ghana, tu sais? J’étais donc en train de parcourir une librairie à Londres, et ce qui, à l’époque, était une section de livres Noirs. Et il y avait toujours, comme une étagère à l’arrière de la pièce. J’étais en train de fureter, je me disais : « Oh, mon Dieu, cette femme écrit sur sa vie au Ghana », et c’était incroyable. Et c’est tellement beau à lire, n’est-ce pas? J’ai donc l’impression d’être tout à fait d’accord avec toi, ces liens ont été établis. Je pense que les gens ne se rendent pas compte que ce travail de connexion des gens de la diaspora à la patrie n’est pas nouveau. Et c’est aussi quelque chose que notre génération doit continuer à élever et à porter au niveau supérieur. Je suis tout à fait d’accord.
Aja Monet 17:42
Ouais, je pense, eh bien, c’est intentionnel pour une partie de notre histoire d’être (effacée), non dite. (Vrai) Oui. Donc je pense qu’en effectuant ce travail et en ayant ce genre de conversations et en créant ces liens en tant qu’écrivaine, juste en termes de vie sexuelle, créative, indépendante, affirmée dans le monde, je pense qu’il y a de la place pour nous uniquement dans la nature même de l’établissement de relations, ce qui est, je crois, le fondement de toute organisation, n’est-ce pas? Que dans ces relations, nous commençons à voir les personnes qui ont été témoins de ce genre de relations. Même les jeunes qui viennent après nous voient des possibilités à cet égard, et cela devient simplement une norme, puis un mode de vie. Donc, la question suivante que j’ai pour toi, dans la conversation sur The Sex Lives of African Women, je voulais savoir pourquoi parler des vies sexuelles et non pas des vies émotionnelles ou amoureuses, parce qu’une des choses dont je sais qu’on ne parle pas beaucoup, ou il n’y a pas beaucoup de place pour des conversations sur la thérapie ou la vie émotionnelle, la santé mentale non seulement des femmes, mais surtout des hommes, que ces conversations semblent très taboues. Je me demande donc pourquoi la vie sexuelle des femmes africaines et est-ce que cela s’étend également à ton travail et tes recherches sur la vie émotionnelle, amoureuse et intellectuelle des femmes.
Nana Darkoa Sekyiamah 19:13
Je voulais vraiment me concentrer sur le sexe parce que c’est toujours un sujet tabou quand il s’agit des femmes africaines, comme l’acte physique du sexe, non? Et l’idée qu’une femme devrait simplement apprécier son corps. Et qu’une femme peut apprécier son corps sans être connectée à ses émotions, tu sais, aimer faire l’amour et avoir des relations sexuelles avec quelqu’un dont elle n’est pas amoureuse. Et bien sûr, tu sais, il y a beaucoup de femmes qui, pour elles, le sexe est une question profondément émotive. Il y a des femmes qui ne peuvent coucher qu’avec les gens qu’elles aiment. Et donc, je pense que se concentrer sur le sexe nous permet de voir tout le spectre, tu sais, et ça légitime celles pour qui le sexe est un acte purement physique. Et pour moi, c’était politiquement important. Et, et aussi juste pour, je suppose, encourager les femmes à reconnaître qu’en fait, le sexe n’a pas toujours à être lié à nos émotions. Ça peut l’être, c’est génial pour certaines personnes. Mais ça ne doit pas toujours être comme ça. Pour moi, c’est pourquoi je voulais parler de la vie sexuelle des femmes africaines. Mais je pense aussi que lorsque nous parlons de la vie sexuelle des femmes africaines, nous apprenons à en savoir beaucoup plus; nous apprenons à connaître la culture des gens, leur mode de vie, même leur spiritualité, pour certaines personnes, le sexe et la spiritualité sont profondément liés. Une femme que j’ai interviewée a décrit le sexe et la sexualité comme les deux côtés de la même médaille, n’est-ce pas? Donc même si je commence par le physique, je pense qu’il y avait beaucoup de place pour aller même dans la métaphysique. Mais je pense aussi qu’il suffit de se concentrer sur l’aspect physique, en ce qui me concerne, et c’est peut-être ma propre intention cachée.
Aja Monet 20:56
Non, je pense que cela me touche profondément. Et je sais que cela résonne avec beaucoup d’autres femmes que peut-être si nous avons plus de conversations sur la vie sexuelle des femmes africaines, mais toutes les femmes, que nous pouvons commencer à être humanisées d’une manière très, très tangible. (Oui) parce que cela a besoin, ce travail est si nécessaire pour le bien de la vie juste, tu sais, l’expérience de la vie, l’expérience d’une vie physique les uns avec les autres, que comme ces conversations deviennent plus normalisées et moins taboues, que nous guérissons réellement de ces conversations et nous voyons, j’espère, des changements, parce que je ne sais pas si les gens voient des conversations, ou même des histoires, aussi transformatrices qu’elles le sont en réalité. Et c’est quelque chose que je voulais peut-être approfondir dans cette question qui est, quel rôle penses-tu que la narration joue dans le changement de société et de culture autour de ces problèmes auxquels nous faisons face en tant que femmes?
Nana Darkoa Sekyiamah 21:51
Je pense que la narration est essentielle pour changer le monde en réalité; même si ce changement commence au niveau individuel, il peut vraiment se propager de manière collective. J’ai eu tellement plus d’hommes qui m’ont envoyé un message et m’ont dit comment mon livre les a fait réfléchir sur leur vie. Ça les a fait réfléchir aux choix qu’ils ont faits, ça les a rendus plus courageux. Cela les a incités à aimer, à rechercher la liberté sexuelle pour eux-mêmes. Et je pense que les livres font ça. Je pense que les histoires font ça. Une des raisons pour lesquelles depuis des années j’encourage les femmes à partager leurs expériences sur mon blogue est que pour moi, l’écriture est une forme de thérapie, c’est une forme de guérison. L’écriture m’aide à penser, elle m’aide à comprendre, elle m’aide à comprendre les choses. Et je reconnais que c’est vraiment, vraiment puissant. Et je pense que ça le fait pour beaucoup de gens aussi. Et je pense aussi que les histoires façonnent le monde dans lequel nous vivons, n’est-ce pas? Tu me demandais tout à l’heure si, tu sais, je crois plus ou moins au constructivisme social, et je pense que le monde dans lequel nous vivons est créé à partir d’une histoire. Et nous pouvons nous raconter une histoire différente pour créer un monde différent.
Aja Monet 22:59
Oui, j’adore ça. J’ai écrit, dans mon livre, « nous sommes les histoires que nous nous racontons ». Et je pense que ça résonne profondément, c’est pourquoi les femmes noires écrivaines, conteuses et poétesses ont été si cruciales dans ma vie parce que ça m’a aidé à réaliser que je pouvais écrire une nouvelle histoire, que je pouvais créer le monde dans lequel je voulais vivre en écrivant une nouvelle histoire. Donc, partager ces histoires, je pense que c’est une invitation pour les femmes à non seulement se voir, mais aussi à écrire leurs nouvelles histoires. En vieillissant, je ne sais pas si tu as entendu cela, mais on m’a toujours dit : « Oh, attends dans la trentaine, attends d’être dans la trentaine », parce qu’apparemment, la trentaine sont des années folles pour les femmes. Et c’est très intéressant parce que je pense qu’en tant que femme, je pense que l’âge a ce genre de relation miraculeuse avec le temps qui est, je pense, magnifique. La première personne que j’ai entendue partager une si belle relation avec l’âge était Maya Angelou. Elle en a parlé avec tant d’enthousiasme, d’audace et de sensualité à l’idée d’avoir 50 ans, puis 60 ans. Et puis, comme toutes les choses qu’elle a découvertes en vieillissant, alors que souvent pour les femmes, tu sais, on ne parle pas du plaisir de la vie des femmes en vieillissant. Après 40 ans, les femmes ne sont plus vues comme des êtres sexuels, j’ai l’impression. Je veux dire, souvent dans les conversations au cinéma et à la télévision, et, tu sais, dans les magazines, tous ces trucs qu’on voit dans les vidéoclips, c’est comme, on ne pense pas aux femmes comme ayant du plaisir au-delà d’un certain âge. Donc je voulais te demander en vieillissant et en grandissant, quelles sont les choses que tu trouves les plus excitantes que tu as apprises sur ta relation avec ton corps, ton plaisir et ta sexualité? Penses-tu qu’il y a une culture autour de cela au Ghana? Par exemple, y a-t-il des femmes qui vieillissent, y a-t-il certaines choses que tu vois les femmes pratiquer plus librement ou avec plus d’enthousiasme à mesure qu’elles vieillissent, ou qu’en penses-tu?
Nana Darkoa Sekyiamah 25:05
Je veux dire, un de mes objectifs est de vieillir indignement. C’est comme mon vrai but dans la vie de vieillir indignement. Et je veux dire, vieillir selon mes propres termes, non? Et faire tout ce que je veux faire et ne pas être entravée par mon âge, et ce que la société dit qu’une femme d’un certain âge devrait faire. Et je pense que c’est ce que j’aime chez les femmes plus âgées qui ont du cran, non? C’est comme (oui), tu sais, elles font leur propre truc. Et je pense que c’est une conséquence du vieillissement, tu te rends compte que tu ne devrais pas t’en faire avec ce que les autres pensent. Tu ne devrais pas être stressée par rapport à ce que les gens pensent de toi, vraiment, ce qui est important est ce que tu penses de toi-même. C’est la chose la plus importante de toutes. Et tu dois en quelque sorte trouver ce qui fonctionne pour toi. Si tu te fies à ce que dit la société, je pense que tu seras malheureuse. La société aime mettre les femmes âgées dans des boîtes. Et la bonne femme plus âgée est la femme qui prend constamment soin de ses petits-enfants et qui fait des sacrifices pour tous les autres. Et si c’est ce que tu veux faire, tu peux le faire, mais tu peux aussi vivre ta propre vie et comprendre ce que cela signifie pour toi. Et pour moi, c’est mon but. J’aime les femmes plus âgées qui vivent leur vie selon leurs propres conditions et c’est tout à fait qui et ce que je vise à être, et je me sens certainement plus libre en vieillissant. J’ai maintenant presque 45 ans. Tu sais, mon prochain anniversaire l’an prochain, j’aurai 45 ans. Eh oui, je me sens plus en confiance maintenant que dans la trentaine. Je me sentais plus en confiance dans la trentaine que dans la vingtaine.
Aja Monet 26:39
Oui.
Nana Darkoa Sekyiamah 26:40
Et je pense que la vie ne fera que s’améliorer.
Aja Monet 26:42
Oui, j’adore ça. J’adorerais terminer sur… y a-t-il des sons spécifiques qui, quand tu les entends, t’apportent un sentiment de paix ou d’appartenance ou de calme?
Nana Darkoa Sekyiamah 26:54
Oh, c’est une si belle question. Et pour moi, c’est le bruit des vagues qui déferlent sur le rivage. Juste entendre ça encore et encore est tellement calmant, le son de l’océan est super, super calmant.
Aja Monet 27:09
Oui.
Nana Darkoa Sekyiamah 27:10
Oui.
Aja Monet 27:11
C’est l’un de mes sons préférés aussi. Wow Nana, merci beaucoup pour cette conversation, pour ton temps, pour ton travail. J’ai hâte de te rencontrer en personne bientôt, très bientôt.
Nana Darkoa Sekyiamah 27:23
J’ai hâte.
Aja Monet 27:25
Oui, moi aussi. J’ai hâte. J’ai hâte à toutes les choses que j’espère que nous pourrons faire ensemble à l’avenir, de toutes les façons dont je peux te soutenir. Alors, merci. Merci beaucoup pour ton temps.
Nana Darkoa Sekyiamah 27:37
Merci beaucoup, Aja, merci pour cette belle conversation et pour ton travail incroyable et pour tes paroles et ton activisme. Et merci d’être toi.
Aja Monet 27:47
Merci.
Nana Darkoa Sekyiamah 27:49
Merci!

Balado The Sound Bath