
L’autrice du livre Self-Care For Black Women travaille comme travailleuse sociale psychiatrique auprès de la population en situation d’itinérance de Los Angeles. Elle nous fait part de ses réflexions sur nos relations avec les personnes qui ont une maladie mentale et sur la façon dont le système pourrait offrir de meilleurs soins à tou.te.s.
Veuillez noter que cet épisode contient une discussion sur la maladie mentale et la discrimination fondée sur l’identité qui pourrait être difficile à entendre pour certain.e.s.

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Transcription
Aja Monet 00:04
Bonjour. Je m’appelle Aja Monet. Je suis poétesse de blues surréaliste et organisatrice, et je serai votre hôtesse pour cette émission’anime, The Sound Bath, un balado qui vous est offert par Lush Cosmétiques. Merci beaucoup d’être ici. Ce balado explore la signification du bien-être personnel, social et environnemental dans la société d’aujourd’hui. Ce balado est conçu pour être écouté dans le bain. Prenez place et relaxez. À la fin, vous aurez droit à une magnifique méditation sonore. Je suis heureuse d’accueillir enfin Oludara. Peux-tu te présenter?
Oludara Adeeyo 01:11
Merci beaucoup de me recevoir ici. Je m’appelle Oludara et, je suis psychothérapeute. Je travaille comme travailleuse sociale en psychiatrie à Los Angeles. Je travaille principalement avec des personnes itinérantesen situation d’itinérance aux prises avec des problèmes de toxicomanie et des maladies mentales graves et persistanteschroniques. Je suis également l’autrice de Self-Care for Black Women, un livre rempli de 150 conseils pour aider les femmes Noires à revitaliser leurs soins personnels pour leur esprit, leur corps et leur âme.
Aja Monet 01:37
Quelque chose dont nous avons tou.te.s besoin. J’aimerais savoir ce qui t’a amené à ce travail. Y a-t-il une histoire ou un moment précis de ta vie qui a été un élément déclencheur?
Oludara Adeeyo 01:47
J’ai l’impression que c’était un voyage spirituel, une série d’événements, mais aussi le fait d’écouter mon intuition et de suivre le chemin que je crois être le mien. Avant de devenir travailleuse sociale, j’étais journaliste. J’ai travaillé pour Cosmo Magazine et Double XL. J’étais donc dans l’industrie des médias. J’ai un baccalauréat en journalisme, et je pensais vraiment que je serais journaliste et rédactrice en chef d’un magazine ou d’un site web. J’ai rapidement réalisé que cette industrie n’était pas nécessairement pour moi. Tout a commencé quand je travaillais chez Cosmo et que ma mère était atteinte de polyarthrite rhumatoïde. C’est une maladie auto-immune, et sa santé ne s’est jamais améliorée. Pendant qu’elle était malade, j’étais sa proche aidante et je travaillais à plein temps comme rédactrice. J’étais donc très stressée et je devais aussi faire face à mes propres problèmes de santé. J’ai commencé à réaliser que ma mère n’avait jamais vraiment priorisé sa santé. Même si sa maladie n’était pas nécessairement sa faute, elle négligeait certaines choses, comme son anémie et sa prise de médicaments, et elle ne prenait jamais vraiment soin d’elle-même. J’ai commencé à voir ce modèle en moi, qui consistait à me pousser à bout et à ignorer les messages de mon corps. À cette époque, on m’a diagnostiqué un syndrome des ovaires polykystiques, qui avait pris le contrôle de ma vie, et j’étais devenue anémique. Ma mère est décédée, et je suis tombée en dépression. J’ai continué à vivre ma vie comme avant, parce que chez les Nigérian.e.s et Africain.e.s, on ne connaît pas la santé mentale. On dit : « Tu vas bien, il suffit de prier. » J’ai donc ignoré les signes, mais j’étais aussi épuisée par mon travail chez Cosmo. J’ai vécu les choses typiques que les femmes Noires vivent en milieu de travail, notamment une charge de travail supplémentaire, du mépris et des normes différentes. J’en suis arrivée à un point où j’ai dû démissionner. J’ai ensuite commencé à travailler chez Double XL en tant que rédactrice en chef, et l’industrie de la musique et des médias est très différente. Pendant que j’y étais, j’ai commencé à me demander si j’y arriverais, car cela accaparait tout mon temps. J’aime faire du yoga, passer du temps avec ma famille et mes ami.e.s et prendre soin de moi-même et de ma spiritualité, mais je ne pouvais plus le faire, car je travaillais sans interruption pour le cycle des nouvelles. Un jour, j’ai décidé d’arrêter. J’ai réalisé que j’étais déprimée par ce travail, et j’ai démissionné sans avoir de plan. Heureusement, j’ai un groupe d’amies qui m’aon soutenue et conseillée de trouver une autre voie. J’ai toujours été intéressée par la santé mentale. J’avais des ami.e.s qui étaient retourné.e.savaient effectué un retour aux études. Une amie m’a dit que je devrais peut-être essayer le travail social. J’ai répondu que je ne voulais pas enlever des bébés à des familles, mais elle m’a dit que je pouvais être thérapeute. J’ai fait des recherches et j’ai trouvé le programme à l’Université de Californie du Sud. J’ai visité l’endroit, et je suis tombée amoureuse de Los Angeles. J’ai envoyé ma candidature, j’ai été acceptée et j’ai reçu une bourse. Lorsque je suis arrivée à Los Angeles, tout s’est enchaîné. Je recevais de généreuses allocations pendant mes stages et c’était comme si j’avais rencontré les bonnes personnes. Je ne sais pas si tu as déjà vécu cette expérience, où tu arrives quelque part et tu te sens chez toi immédiatement. Tu te dis : « C’est ici que j’aurais dû être pendant tout ce temps. » C’est un peu ce que j’ai ressenti en arrivant à Los Angeles. Lorsque j’ai entamé mon programme en travail social et que j’ai eu du temps pour moi, j’ai commencé à prendre soin de moi, à découvrir ce qui me convenait et à faire les choses ce que ma mère n’a jamais vraiment eu la chance de faire. C’était donc comme une connexion vraiment spirituelle. C’était logique, tout simplement.
Aja Monet
J’étais donc très intéressée d’avoir cette conversation avec toi, car je pense qu’il y a une corrélation entre ce que nous vivons personnellement et ce que nous vivons politiquement. Une chose avec laquelle j’ai personnellement lutté, et avec laquelle beaucoup de femmes et de femmes Noires luttent, c’est la blessure maternelle, et à quel point cela joue un rôle important dans la façon dont nous définissons le bien-être, l’amour et la responsabilité dans nos communautés. Même si c’est admirable de t’entendre parler de la façon dont tu t’es occupée de ta mère, l’une de mes difficultés, dont je n’ai pas souvent parlé en public, est la santé mentale de ma mère et la pression que cela a exercée’elle a exercée sur notre relation. L’incapacité d’en parler à d’autres personnes, ou par peur de divulguer trop d’informations, d’être stigmatisée, ou de vouloir protéger ma famille des horreurs qu’elle vivait. Ce n’est pas joli, ce n’est pas gentil, ce n’est pas mignon, ce n’est pas quelque chose qui se résume facilement. down my,
Oludara Adeeyo 07:32
Merci d’avoir partagé ça. Tu sais, ce n’est pas facile d’admettre qu’un membre de votre famille est aux prises avec un problème de santé mentale, parce que ça a des répercussions sur tout le système familial. Ce système a des répercussions sur nous, nos relations et ainsi de suite.
Aja Monet 07:53
Cela peut être une expérience horrible, surtout pour les enfants qui grandissent dans des ménagesfoyers ou des familles qui ne sont pas bien mentalement. Comment aimer quelqu’un qui a des problèmes de santé mentale? Cela peut souvent devenir décourageant et très violent.
Oludara Adeeyo
Lorsqu’il s’agit de rencontrer des personnes ayant des problèmes de santé mentale, il faut faire preuve d’une grande empathie et comprendre que, souvent, les gens se comportent d’une manière qui n’a rien à voir avec vous ou avec la personne qui subit ce comportement. Souvent, il s’agit d’une réaction à ce que nous appelons des stimuli intérieursinternes, c’est-à-dire des choses qui se passent à l’intérieur de la personne ,e t la façon dont elle réagit à une situation à la suite d’un traumatisme vécu. Lorsque vous interagissez avec quelqu’un qui a un comportement difficile à gérer en raison de sa santé mentale, il est préférable de lui donner de l’espace et de la compréhension, mais aussi de fixer des limites pour vous-même.
Aja Monet 09:04
Nous parlons souvent de santé mentale comme quelque chose qui a des répercussions seulement sur la personne qui en souffre. Notre société est tellement individualiste. Nous parlons seulement de nos problèmes personnels plutôt que d’aborder les questions systémiques et politiques importantes. Dans ton livre, tu abordes un peu le racisme et ses répercussions sur les femmes Noires. Bien sûr, la classe sociale est une partie importante de ce sujet et de toutes les discussions. Quelle est ton opinion sur la responsabilité individuelle? Il y a parfois des mères, des femmes, des hommes et même des pères avec des problèmes de santé mentale qui sont incapables de s’investir dans leur communauté et les gens qui les aiment.
Oludara Adeeyo 09:48
On parle de traumatisme intergénérationnel, un traumatisme qui nous est transmis par la génération précédente. Souvent, la communauté Noire n’aborde pas vraiment ce qui se passe avec les nouvelles générations. Parfois, nous n’avons même pas le temps de le faire. Je le dis maintenant parce que j’ai l’impression que la génération actuelle fait un meilleur travail..
Aja Monet 10:19
Ou iels sont dans le déni?.
Oludara Adeeyo 10:20
En effet, car c’est une vérité difficile à affronter lorsque l’on réalise que nous sommes responsables de notre propre guérison.
Aja Monet
Je pense que cela témoigne des valeurs américaines. Ce que l’Amérique a fait à la santé mentale des personnes Noires, mais aussi des gens en ce moment. Je pense que chacun.e est responsable de sa guérison et de son bien-être tout en reconnaissant qu’il y a des problèmes systémiques qui nous touchent.
Oludara Adeeyo 11:01
Oui, tu as tout à fait raison. Il y a la structure et puis il y a l’individu. Si une personne dans votre vie traverse quelque chose de difficile, vous devez aussi reconnaître que sa santé mentale est sa propre responsabilité. Vous avez une petite responsabilité, car vous devez être capable d’établir vos propres limites et reconnaître quand vous devez prendre du recul. Même lorsque vous avez fait tout ce que vous pouviez, la société ne lui donne pas nécessairement le soutien dont elle a besoin. C’est comme si le combat était perdu d’avance.
Aja Monet
Nous sommes si nombreux.euses à lutter silencieusement contre ce problème. C’est une épidémie. C’est vraiment une épidémie dans notre société, d’autant plus que les questions politiques deviennent de plus en plus critiques en termes de socioéconomie, de crise mondiale et d’environnement. Elles ont des répercussions directes sur nous. Les gens sont touchés, et je pense que notre santé mentale est l’une des causes principales de quelques-uns des enjeux.
Oludara Adeeyo 12:13
C’est vrai, beaucoup de personnes avec qui je travaille sont sans logement et dans une situation d’itinérance. S’iels ne peuvent même pas satisfaire leurs besoins de base, iels vont avoir des problèmes de santé mentale. Iiels vont avoir des problèmes de toxicomanie. Je sais que beaucoup de gens ont trouvé des solutions pour faire face à la crise des sans-abride l’itinérance et ainsi de suite, mais ce n’est pas une question facile qui se résume à donner un logement aux gens. Beaucoup de mes client.e.s obtiennent un logement, mais ont du mal à s’en occuper à cause de tous les autres problèmes structurels systémiques et de santé mentale.
Aja Monet 12:51
En tant que personne qui travaille avec des communautés sans logement et qui voit les plus vulnérables de notre société avoir des difficultés avec leur santé lutter contre la santé mentale, quelles sont les choses qui te donnent de l’espoir ou une stratégie pour traiter et répondre à ce besoin réel que nous avons dans notre société pour aborder la santé mentale?
Oludara Adeeyo 13:10
Je vois certainementdéfinitivement plus de gens se soucier de la question des personnes en situation d’itinérance. Et je pense que ce qui me donne de l’espoir, c’est de voir que des États comme la Californie ont des projets de loi pour aider ces gens à se loger. Cela me donne l’espoir que d’autres États suivront, car la crise du logement est un problème systémique. Donc, voir les politicien.nes avoir des conversations à ce sujet me donne de l’espoir, car ce n’est pas une solution facile, le logement est une chose si complexe. Je crois que ça commence par un changement structurel pour que nous puissions loger les personnes en situation d’itinérance. Pour voir moins de gens en situation d’itinérancesans abri. C’est plus grand que l’individu, et pour quelqu’un comme moi qui travaille dans ce système, qui essaie d’aider les gens à obtenir un logement du gouvernement ou un logement à faible revenu, il n’y a pas beaucoup de soutien systémique. Parfois, il est vraiment difficile de trouver les ressources pour aider les gens à trouver un logement qu’iels peuvent se permettre. Nous traitons la santé mentale dans ce pays avec la médication, alors que nous devrions vraiment donner des ressources aux gens.
Aja Monet 14:53
Même si je comprends que Self-Care for Black Women est le titre de ton livre, j’ai l’impression que les soins collectifs pour les femmes Noires sont si importants et je pense que l’une des choses que nous avons essayé de souligner dans cette conversation est cette fausse notion d’une binaritéire entre le soi et le collectif, et que les soins devraient juste impliquer les deux. Le mot « « soin » » a perdu son sens. Nous lui ajoutons ces adjectifs comme « « radical » », ou des descriptifs comme «
« individuel » ». Nous faisons toujours une différence entre le soin individuel et collectif, mais il ne devrait pas y avoir de différence. Je suis intéressée par ce que tu as dit, c’est-à-dire que je ne pense pas que les gens veuillent fuir les problèmes de santé mentale, mais plutôt qu’ils essaient de préserver leur propre santé mentale et de trouver des moyens durables de survivre à un système qui n’est pas vraiment mis en place pour les soutenir. Peux-tu imaginer une société qui serait favorable à notre santé mentale de façon collective?
Oludara Adeeyo 16:26
Dans mon monde parfait, tout le monde aurait un revenu de base. Je veux dire, le logement et les soins de santé seraient gratuits ou abordables et nous aurions plus d’argent pour l’éducation. Ainsi, nos enseignant.e.s pourraient être bien financés. Les quartiers qui ne sont pas aussi bien financés auraient assez d’argent afin que chaque élève puisse avoir une chance de réussir, car beaucoup de problèmes commencent à la maison. Ils commencent dans l’enfance, ils commencent dans le quartier, ils commencent dans les environnements collectifs. Il aurait plus de financement pour les garderies et le revenu de base pour tout le monde. Si nous pouvions avoir un logement gratuit, ce serait formidable. Ou simplement un logement garanti, peu importe à quoi cela ressemblerait. En gros, j’aurais probablement une société très socialiste où tout le monde se sentirait soutenu.e, mais ça n’arrivera jamais parce que nous vivons dans la société dans laquelle nous vivons. Mais ouais, j’ai l’impression que...,
Aja Monet 17:27
Attends. Comment va-t-on y arriver si tu ne crois pas qu’on puisse y arriver ?
Oludara Adeeyo 17:34
Tu sais quoi ? Tu as absolument raison. J’aurais aussi aimé que la santé mentale soit l’une des choses dont nous nous soucions. Nous nous préoccupons de notre santé physique, mais nous négligeons la santé mentale. Je serais très investi.e dans des soins plus réparateurs et plus préventifs, ce qui signifie que les gens auraient plus de jours de congé, qu’iels pourraient faire des siestes au milieu de la journée de travail, qu’iels n’auraient pas besoin que leur assurance soit liée à un emploi. Tu sais, les enfants peuvent rester sur l’assurance de leurs parents plus longtemps que l’âge de 26 ans.
Aja Monet 18:09
Je pense que l’une des choses que j’attends avec impatience est un monde où les enfants sont protégés et les parents soutenus, et où les parents auraient plus de ressources pour s’occuper de leurs enfants. Je pense que c’est tout simplement trop pour une personne ou même deux personnes. Nous devons repenser la manière dont nous structurons les soins dans cette société pour nos enfants et ceux qui s’en occupent.?
Oludara Adeeyo 18:34
Je suis entièrement d’accord avec toi.
Aja Monet 18:35
C’est une grande partie de l’origine des problèmes de santé mentale. J’ai remarqué que dans ton livre, tu parles des choses réelles auxquelles nous sommes confrontées en tant que femmes Noires, en tant que personnes Noires, le stress du racisme et du patriarcat. En tant que Noir.e.s, nous entendons de plus en plus parler des choses auxquelles nous sommes confronté.e.s et nous ne sommes pas souvent encouragé.e.s à parler de la façon dont nous nous épanouissons, dont nous nous manifestons en dépit de ces choses. Pour notre santé mentale, quelle est la réalité clinique d’entendre constamment parler des défis à surmonter?
Oludara Adeeyo 19:10
C’est un peu comme si vous étiez constamment confronté.e à vos traumatismes. Les répercussions sont certainement plus grandes lorsque l’esprit et le corps sont toujours confrontés à quelque chose qui perturbe leur système et leur mode de fonctionnement. La personne va développer des mécanismes de défense et des façons malsaines d’aborder certaines choses. Elle va percevoir presque tout comme une menace et elle ne sera pas en mesure de faire la différence. Elle va commencer à poser des gestes néfastes à son bien-être, et des problèmes vont se manifester dans sa vie. Je pense certainementdéfinitivement qu’il est plus important pour nous d’interagir avec des choses qui nous montrent comme prospères, et dans plus de paix et d’harmonie. C’est exactement pourquoi je ne regarde pas beaucoup de Black Traumatraumatismes de la communauté Noire, parce que je me demande combien de fois je vais entendre cette histoire de brutalité policière. Ce que je veux dire, c’est que c’est très important. Ces histoires sont importantes, mais pour moi, m’engager constamment avec ce genre de contenu, c’est comme si mon corps en faisait l’expérience. Mon esprit commence à en faire l’expérience, et ma santé mentale se détériore.
Aja Monet 20:33
Oui, et je ne pense pas que c’est causé par d’autres entités ou institutions. J’ai l’impression qu’on se fait ça à nous-mêmes. Souvent, dans les espaces d’organisation, nous nous demandons qui est la personne la plus traumatisée dans la pièce, la plus blessée dans la salle, celle qui a le plus d’identités traumatisées par la société et qui est la plus opprimée. Nous les écoutons, nous nous concentrons sur elles. Pendant que nous nous concentrons sur les plus vulnérables, nous mettons aussi sur un piédestal...
Oludara Adeeyo 21:11
Oui, j’allais dire glorifier.
Aja Monet 21:13
Oui, la personne la plus traumatisée. Je pense qu’à notre époque, cela est récompensé.
Oludara Adeeyo 21:27
Tu as raison. La frontière est très mince entre valider l’expérience traumatique d’une personne et la perpétuer ou la mettre de l’avant.t.
Aja Monet 21:37
Pas vrai? On ne parle pas de qui veut être le plus libre. Je pense que c’est une partie de ce que j’essaie de comprendre. Comment ne pas récompenser le traumatisme tout en le reconnaissant et en le nommant? Et je me demande, comment pouvons-nous changer la psychologie clinique? Quelles stratégies pouvons-nous mettre de l’avant?
Oludara Adeeyo 22:10
Dans mon travail, lorsqu’il s’agit du traumatisme d’une personne, nous ne l’abordons souvent que lorsque la personne se sent en sécurité et qu’elle est prête à revenir sur ce traumatisme et à le découvrir, car c’est très important. Si elle ne se sent pas en sécurité, elle sera incapable d’aborder tout ce qu’elle a vécu. Souvent, avec mes client.e.s, nous essayons d’être présent.e.s tout en allant de l’avant, et c’est comme s’iels faisaient des allers-retours. Il est important de valider l’expérience des personnes Noires, le racisme et l’oppression qu’elles peuvent ressentir. Par contre, il faut aussi être poussé dans l’autre direction pour réaliser que nous pouvons aller de l’avant.
Aja Monet 23:08
Je pense que nous sommes dans une période très intéressante et que nous n’allons pas souvent en profondeur dans ces conversations. Comment pouvons-nous être vraiment authentiques les un.e.s avec les autres à propos des techniques et des solutions, car c’est un réel problème auquel nous sommes confronté.e.s, et je pense à ce que tu as dit sur les gens qui se sentent en sécurité...
Oludara Adeeyo 23:30
Et prêt.e. C’est une décision personnelle. Il n’y a que la personne qui sait quand aborder certaines choses, parce qu’il y a aussi, en ce qui concerne les personnes Noir.e.s, beaucoup de choses à discuter, et je vais m’utiliser comme exemple. Je n’avais pas réalisé que j’avais mon propre racisme internalisé. J’ai l’impression que beaucoup d’entre nous avons énormément de racisme internalisé et nous devons nous reconditionner. Je n’ai donc pas réalisé que j’étais victime de discrimination lorsque je travaillais chez Cosmo jusqu’à ce que, près de dix ans plus tard, je parle à mon thérapeute. J’ai répondu à mon trauma en me fermant, en oubliant et en me disant que je devais travailler plus fort. Je dois être parfaite et ignorer ces choses. J’ai dû prendre le temps de vraiment laisser tomber le racisme intériorisé et d’accepter ma propre version de l’identité Noire, et aussi de regarder les choses qui se sont produites dans le passé. Et puis, pendant que j’écrivais ce livre et que je faisais des démarches auprès de mon éditeur, je devais aussi me rappeler que je n’étais plus à Cosmo. Ce n’est pas l’expérience passée que je vivais. C’est difficile, car notre esprit fait des allers-retours. La plasticité neuronale nous permet de recréer des significations différentes à des expériences similaires que nous avons eues dans le passé. Mon cerveau a donc la capacité de changer. Je devais donc constamment me rappeler que je n’étais plus chez Cosmo et que je n’avais pas affaire aux mêmes éditeur.ice.s blanc.he.s que ceux d’il y a dix ans. J’ai dû constamment me parler et me le rappeler..
Aja Monet 25:46
Oui. Dans ton livre, tu écris que l’esprit est l’épicentre du bien-être. À quoi ressemble le bien-être pour les personnes qui luttent quotidiennement contre la santé mentale?
Oludara Adeeyo 25:58
Quand j’y pense, comme les gens qui se battent avec des problèmes de santé mentale, et je m’inclus là-dedans. Tu sais, mon bien-être mental est différent chaque jour, chaque semaine. Je pense que cela a beaucoup à voir avec l’acceptation personnelle de la façon dont mon cerveau fonctionne et dont mon corps fonctionne. C’est comme être à l’aise avec ses problèmes de santé mentale ou avec l’idée que l’on a des problèmes de santé mentale. Et à partir de là, avec moi et certains client.e.s que j’ai eu.e.s, j’ai assurémentdéfinitivement réalisé qu’il s’agit de se mettre à l’aise avec le désordre que l’on a et ensuite se préparer et se sentir à l’aise pour le nettoyer. L’année dernière, j’ai lutté contre une légère dépression et un épuisement professionnel et j’ai dû accepter que certaines semaines, j’aurais beaucoup d’énergie et d’autres où je me sentirais juste horrible. J’ai intériorisé beaucoup de haine de soi. Je me
demandais : « Pourquoi est-ce que je ne veux rien faire? Pourquoi suis-je si fatiguée? » J’étais en train d’infantiliser le repos. J’ai dû accepter le rythme de mon corps. Chez les gens avec qui je travaille, j’ai remarqué qu’iels commencent à s’épanouir lorsqu’iels acceptent ce qu’iels traversent. Il ne s’agit pas de l’accepter, de l’ignorer. C’est accepter mes fortes crises de dépression occasionnelles et le besoin de s’isoler. Ou réaliser que l’on a des hallucinations et ne pas en avoir peur. J’ai l’impression que c’est un voyage. C’est certainementdéfinitivement un voyage à travers l’acceptation radicale de notre fonctionnement.
Aja Monet 28:17
Oui, merci. J’ai une question sur la psychologie et la santé sociale et la façon dont nous traitons les personnes qui luttent contre la santé mentale. Quel rôle crois-tu que les conversations et la parole jouent dans notre pratique du bien-être en ce qui a trait à la santé mentale? Je sais que la thérapie se présente d’une manière spécifique dans la société occidentale. Comme tu as des racines sur le continent, je me demande s’il existe d’autres formes de thérapie que tu trouves plus efficaces avec certaines personnes ou certains groupes de personnes? Parce que je pense que certaines personnes sont très intimidées par une conversation.?
Oludara Adeeyo 28:57
Oui, j’ai vraiment l’impression que la thérapie par la parole aide une personne à sentir qu’elle n’est pas seule dans son expérience. Vous travaillez avec un.e professionnel.le et vous examinez vos pensées, vos émotions, vos schémas comportementaux, et il s’agit de relier l’influence de votre passé au présent. C’est la thérapie psychodynamique et c’est la thérapie traditionnelle que nous connaissons pour traiter les problèmes de santé mentale comme la dépression et l’anxiété. Mais il y a aussi des choses comme l’EMDR (Eye Movement, Desensitization, and Reprocessing), qui est principalement utilisée pour traiter le SSPT (syndrome de stress post-traumatique) et peut être utilisée sur des personnes ayant subi toutes sortes de traumatismes pour aider à réduire la vivacité des souvenirs du traumatisme. Il y a les thérapies comportementales, qui sont aussi considérées comme des psychothérapies, mais avec une petite touche d’originalité. La thérapie comportementale dialectique ou TCD, par exemple, est principalement utilisée pour traiter les personnes souffrant de trouble de la personnalité limite ou de tout autre trouble de régulation émotionnelle. Elle est utilisée pour aider ces personnes à faire face à des conflits relationnels et peut aider quelqu’un à apprendre à fonctionner dans ses relations parce qu’on lui enseigne beaucoup de techniques d’adaptation et que cela se fait généralement dans le cadre d’un groupe d’apprentissage pendant que la personne reçoit une thérapie individuelle. Puis il y a la thérapie de groupe, qui peut aussi être une sorte de thérapie communautaire, où un.e clinicien.ne s’occupe d’un petit groupe et permet aux gens d’apprendre des autres et de s’encourager mutuellement. La thérapie ne consiste pas forcément à s’asseoir avec un.e professionnel.le et à lui parler. Parfois, c’est peut-être avec un collectif et en se réunissant avec d’autres personnes, en particulier avec les communautés africaines. Ce sont des communautés où l’on ne parle pas de ses affaires aux autres, où l’on ne veut pas que l’on parle à un étranger. Donc parfois c’est utile s’iels sont dans une communauté, et c’est comme si la communauté apprenait quelque chose ensemble ou travaillait ensemble vers quelque chose parce que parfois certaines personnes ont besoin de communautés autour d’elles pour changer leur façon de penser et d’aborder les choses.
Aja Monet 31:12
Merci. Ma dernière question concerne le son. Une grande partie de la conversation dans ce balado porte sur le pouvoir de la conversation, mais aussi sur le son. Y a-t-il des sons qui te font sentir bien, ou des sons qui t’apaisent et que tu écoutes lorsque tu fais face à une situation difficile? Quel est celui qui te réconforte et te calme?
Oludara Adeeyo 31:44
J’adore cette question. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de sons qui fonctionnent pour moi. J’aime les bains sonores, les sons éthérés et méditatifs. Je les aime vraiment parce que je pratique le yoga régulièrement. Les sons de la nature. J’écoute de la musique en Yoruba, qui est ma famille et mon identité. Ma famille était Yoruba. Se connecter à ces racines est toujours agréable. Des choses comme ça.
Aja Monet 32:13
Bien. Merci beaucoup pour cette réponse et pour votre réponse aux questions. J’apprécie votre temps.
Oludara Adeeyo 32:21
Merci énormément.
Aja Monet 32:22
Merci.
Oludara Adeeyo 32:23
C’était génial de parler avec toi.
Aja Monet 32:24
Ce fut un plaisir de parler avec toi. J’aimerais prendre une seconde pour m’adresser à nos auditeur.ice.s. Merci d’être ici avec moi aujourd’hui et de m’écouter. Je crois que l’écoute est un acte radical dans l’étape du soin. Alors, s’il vous plaît, faites le point avec vous-même et écoutez le son qui résonne dans votre propre cœur.

Balado The Sound Bath