
Nous revisitons certains des passages inédits de l’entrevue d’Aja avec Hope Giselle : elles parlent de ce qu’il faut pour dialoguer avec quelqu’un qui a des valeurs opposées, de surmonter la haine de soi et le colorisme et de la question que personne ne pose jamais sur ce qu’il faut vraiment pour faire vos rêves se réalisent et bien plus encore. Si vous n’avez pas entendu l’entrevue complète, veuillez jeter un coup d’œil à l’épisode 3 de la saison 1 : La visibilité compte. Nous espérons que vous vous joindrez à nous pour la saison 2, qui sera lancée à l’automne 2022.

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Transcription
Aja Monet (00:06) :
Bonjour cher public. Je suis Aja Monet, votre hôtesse et j’espère que vous allez bien. Merci d’écouter The Sound Bath, un balado présenté par Lush Cosmétiques.
Aja Monet (00:15) :
Au début de cette saison, j’ai eu l’immense plaisir de discuter avec Hope Giselle. Pour les personnes qui ne la connaissent pas, Hope une femme qui dégage une énergie puissante. Elle a fait ses débuts en tant qu’activiste et personne animatrice à l’université d’Alabama, où elle a participé à la création de la toute première organisation LGBTQ de l’établissement. Elle a également été la première femme ouvertement trans à obtenir une maîtrise en beaux-arts dans cette université. Depuis lors, elle n’a cessé de sensibiliser l’opinion publique aux questions liées aux personnes trans Noires dans les espaces publics. Elle est l’autrice de Becoming Hope : Removing the Disguise, un livre dans lequel elle parle de ses expériences en tant que femme transgenre. Elle est également la fondatrice de AllowMe, un organisme sans but lucratif. Hope travaille en collaboration avec des associations comme HRC, Freedom for All Americans et LGBTQ University pour s’assurer que les voix de la communauté dont elle fait partie soient entendues. Certaines parties de ma conversation précédente avec Hope n’ont pas été intégrées à l’épisode, c’est pourquoi je suis si heureuse de pouvoir les partager avec vous ici.
Hope Giselle (01:22) :
Je pense que j’aurais aimé qu’on me pose une question intéressante du genre : de quoi as-tu besoin pour réaliser ton rêve? Généralement, les gens posent les questions comme : « Quel est ton rêve? » ou « Où te projettes-tu dans cinq ans? » ou encore « Rendue à ce stade, quelle est la prochaine étape? » Malheureusement, personne ne vous demande jamais vraiment ce dont vous avez besoin pour atteindre vos objectifs. Par exemple, personne ne pose jamais la question suivante : « De quelles ressources avez-vous besoin réaliser votre rêve? »
Hope Giselle (01:49) :
Ne vous méprenez pas! Cela ne veut pas forcément dire que j’espère qu’on m’offre ces ressources. J’ai juste l’impression que parfois, quand vous avez accès à ces plateformes de grande envergure et que vous avez l’opportunité de discuter avec ces figures influentes, c’est génial, parce que c’est l’occasion idéale pour leur public de découvrir ces ressources et iels pourraient être entouré.e.s de personnes qui disposent de ces ressources et sont prêtes à les offrir. Et parfois, je pense avoir raté l’occasion d’aborder le sujet lors d’une conversation sans que cela n’ait l’air d’avoir été tiré par les cheveux. J’aimerais vraiment que les gens me posent la question avant d’y répondre, afin de ne pas passer pour la fille Noire en colère qui se sent en droit de dire : « Donnez-moi ce dont j’ai besoin pour atteindre mon objectif. » Parce que trop souvent, j’ai l’impression que c’est ce qu’on finit par faire et ce à quoi on finit par ressembler.
Aja Monet (02:31) :
Puis-je vous poser la question tant attendue : « De quoi avez-vous besoin pour réaliser vos rêves? »
Hope Giselle (02:35) :
J’ai besoin d’une équipe. J’ai besoin d’un groupe de personnes dévouées et créatives, de préférence les personnes Noires et les gens de couleur, qui sont passionnées de la jeunesse, passionnées pour les jeunes personnes homosexuelles et pour les jeunes personnes Noires. Elles doivent également avoir un vif intérêt pour les jeunes femmes Noires et leur sécurité et être passionnées par l’élévation des jeunes hommes Noirs. J’ai besoin de ressources financières. J’apprécierais énormément avoir des commanditaires et des personnes qui aideraient vraiment à faire passer le message au niveau supérieur. Le but n’est pas uniquement de faire entendre ma voix, mais aussi de pouvoir donner une tribune à des personnes extraordinaires qui n’ont pas accès aux mêmes plateformes que moi, mais qui ont accès à moi et de pouvoir ainsi favoriser les conversations portant sur de nouveaux sujets.
Hope Giselle (03:14) :
J’aimerais avoir les ressources nécessaires pour mettre sur pied un studio à Washington, où des réalisateur.ice.s Noir.e.s, en particulier les jeunes réalisateur.ice.s Noir.e.s queers peuvent réaliser leurs propres balados. Si iels ont accès à leur propre studio équipé d’une lampe annulaire, iels pourraient filmer du contenu pour leur compte TikTok si iels le souhaitent. J’aimerais que l’on dispose de l’espace nécessaire pour mettre en place des salles de réunion où les jeunes activistes Noir.e.s pourraient se réunir et décider de la prochaine étape, du prochain cap à franchir. Ainsi, iels n’auront plus à louer des locaux, iels n’auront plus à chercher des locaux pour les réunions. Iels ne se soucieront plus de savoir si leur famille comprend ou non, qu’iels sont des personnes Noires ambitieuses ou qu’iels sont des personnes queers qui veulent juste faire leur travail. Iels pourront simplement venir dans cet espace sûr, faire le travail et pourront ensuite le laisser au studio.
Hope Giselle (03:58) :
J’aimerais avoir des ressources qui permettent aux gens de laisser leur travail au travail, même s’il ne s’agit pas de l’emploi classique qu’iels effectuent quotidiennement de 9 h à 17 h. Iels peuvent simplement laisser leur travail là où il est et ne pas avoir à le transporter avec iels toute la journée, parce que je sais très bien ce que c’est d’être une personne activiste qui est obligée d’emporter son travail avec elle à la fin de la journée. En effet, une grande partie de mon travail est révélatrice de ce que je suis, de toutes les facettes de qui je suis à tout moment et c’est juste difficile. J’aimerais donc avoir des ressources pour faire toutes ces choses. Et je pense que ce n’est qu’un début. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Aja Monet (04:32) :
Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager avec nous ou nous faire savoir à propos de votre pratique du bien-être ou de vos projets en cours et auxquels nous devrions nous intéresser ou que vous nous encouragez à découvrir dans un avenir proche?
Hope Giselle (04:47) :
Oui. En fait, si vous n’êtes pas au courant, j’ai déjà publié deux livres, notamment « Becoming Hope : Removing the Disguise, et Until I Met Black Men. Et ces livres sont disponibles dans tous les points de vente de livres. Honnêtement, j’encourage tout le monde à les lire. Vous êtes loin d’imaginer ce que vous y découvrirez et aucun des livres n’abordera les thématiques auxquelles vous vous attendez. D’ailleurs, je choisis des titres comme ça précisément pour une raison, parce que je veux qu’ils piquent la curiosité des gens et aussi que les gens construisent leur propre histoire en lisant les histoires que je développe dans mes livres. Entre-temps, je me prépare également à écrire un troisième et mon premier livre pour enfants qui sortiront tous deux vers la fin de l’année. C’est un livre sur l’affirmation de la transidentité des filles Noires, sur lequel je collabore avec certaines personnes.
Hope Giselle (05:31) :
Nous sommes de retour pour la suite de mon balado Can We Talk with Hope Giselle. C’est une joie de l’avoir avec nous, et je suis ravie par certaines des conversations que j’ai pu avoir avec des gens comme Todrick Hall et Ts Madison et Angelica Ross qui seront de nouveau avec nous et ce sera vraiment génial. J’ai vraiment très hâte. Je suis également très enthousiaste concernant quelques collaborations géniales dont je ne peux pas parler pour le moment, mais vous me verrez travailler avec des gens vraiment sympathiques pour faire un travail remarquable cette année. Je pense que je vais me concentrer davantage sur la santé mentale et sur les moyens de trouver le bien-être en soi, ainsi que sur les moyens de donner des ressources ou de transmettre des ressources afin que les gens comprennent comment mieux gérer leur santé mentale et leur état mental. Donc, beaucoup de choses à venir et ce sera vraiment génial.
Hope Giselle (06:14) :
De par leur apparence, mes sœurs incarnent les stéréotypes liés à la femme latino-hispanique. Et donc, chaque fois que je suis avec mes sœurs, elles sont la preuve que je suis une Cubaine ou une Afro-Cubaine, car elles sont ces femmes stéréotypes à la peau claire et aux cheveux bouclés. Et cela a toujours été un problème pour moi, j’ai toujours voulu le cacher en grandissant. Je disais simplement « Oh, je suis haïtienne » pour mettre fin aux débats, parce que les gens me croyaient sur parole. Mais à la seconde où je disais que j’étais Cubaine, j’entendais des : « Oh, dites quelque chose en espagnol. » Et si vous parliez espagnol, vous recevriez des commentaires du genre : « Oh, vous parlez espagnol, mais vous ne pouvez pas être Cubaine, parce que les Cubaines ont la peau claire et les Cubaines ont tel type de cheveux », etc. J’ai donc dû faire face à de nombreuses difficultés réelles pour tenter de m’intégrer, en particulier au lycée, car j’étais dans un lycée avec une population scolaire essentiellement cubaine. Et beaucoup de gens ont pensé que j’avais réussi à m’intégrer pendant un moment.
Aja Monet (07:12) :
Oui. Franchement, c’est intéressant de vous entendre parler de ça parce que quand j’étais jeune, les personnes originaires des Caraïbes étaient très penchées sur les questions liées au colorisme. Je pense que si je suis considérée comme plus claire ici aux Etats-Unis. Aux Caraïbes, je suis considérée comme une personne à la peau foncée. Donc du côté paternel, la grand-mère de mon père et tous les autres enfants de la famille étaient très clairs, plus clairs, beaucoup plus clairs que moi. Et la façon dont ils étaient traités, la façon dont ils parlaient du teint, vous voyez ce que je veux dire, c’était vraiment triste. Et c’est étrange qu’en tant qu’enfant, vous découvrez ces choses et c’est très naturel, aussi naturel que l’air que vous respirez. Donc vous ne connaissez pas une réalité différente de celle-là. Cependant, en grandissant vous commencez à comprendre ce qu’est réellement l’identité, ce qu’elle signifie et comment vous choisissez de vous identifier. Je pense que cette prise de conscience est une expérience intéressante qui s’impose à nous à mesure que nous grandissons. En effet, on commence à se demander comment le monde nous voit-il? Et ensuite, on se demande comment nous nous identifions? Ces questions occupent toutes vos pensées, vous voyez ce que je veux dire, elles vous tracassent.
Aja Monet (08:12) :
Je trouve cela très intéressant de vous entendre parler de votre culture, de ce que cela signifie pour vous de devoir faire vos preuves et de vivre dans un monde où ce n’est que maintenant, à peine, que nous commençons à trouver un langage pour...roulement de tambours, décrire comment voulons-nous être identifiés? Comment choisissons-nous d’être identifié.e.s?
Hope Giselle (08:31) :
C’est de ça qu’il s’agit. Je pense que la plupart du temps, je me réjouis à l’idée d’être une femme Noire, d’être une femme Noire ayant des racines à Cuba, des racines qui remontent jusqu’à Haïti et des racines qui remontent jusqu’à Dieu seul sait où. Cependant, je déteste l’idée que les gens m’associent à tout ce qui a trait à ma Négritude, parce que je pense qu’au fond, ce que j’ai appris à travers beaucoup de ces expériences au lycée ou en grandissant au sens large du terme, ce que j’ai appris c’est que les gens me voient comme une personne Noire. Je suis une personne de race Noire avant tout autre chose. Avant ma culture hispanique, avant mon héritage de riz aux haricots, avant mon héritage griots, je suis une personne Noire pour beaucoup de gens. Et j’ai dû accepter le fait que, lorsque je me battrai pour des causes justes, c’est cette couleur que beaucoup de gens verront. Ils se fichent des autres aspects de mon héritage parce que cette teinte de ma peau sera le facteur qui déterminera la façon dont ils me traiteront tout au long de la conversation ou, vous savez, tout au long du processus d’échange d’énergie.
Hope Giselle (09:38) :
C’est pourquoi, généralement, je dis juste aux gens, « Je suis une femme Noire. » Et lorsque les conversations se prêteront au reste de mon héritage, je le ferai savoir. C’est pour cette raison que beaucoup de gens comme vous ne connaissaient pas mes origines, simplement parce que c’est un sujet auquel je n’accorde que trop peu d’importance. Et aussi, je ne suis pas sûre que tu puisses t’identifier à cette Aja, ou si tu as pu te faire des ami.e.s. Quoi qu’il en soit, j’étais une personne aux origines mixtes et quand j’étais petite, lorsque... surtout à notre époque, c’était une de ces choses qu’on trouvait géniales lorsqu’on disait de vous que vous aviez des origines métissées, parce que nous avions tous ces idéaux très coloristes de ce que cela signifiait d’être une personne métisse ou de ce que cela signifiait d’être autre chose qu’une personne Noire. Et en grandissant, j’ai réalisé que c’était une forme de haine de soi et de colorisme, vous savez, envers moi-même. Je suis si fière de dire aujourd’hui que je suis Noire, vous n’avez même pas idée. Et tout le reste n’est qu’un rappel de cette Négritude qui n’étouffe plus ce sentiment de fierté pas comme c’était le cas durant mon enfance.
Aja Monet (10:31) :
Je suis curieuse de savoir quelles sont les leçons que vous avez apprises dans vos relations avec les autres et dans votre travail qui vous ont permis d’avoir une conversation pleine de compassion et de tendresse avec des personnes qui ne partagent pas vos opinions et parfois même qui vous veulent du mal.
Hope Giselle (10:49) :
Lorsque je choisis d’interagir avec une personne, je fais aussi ce travail pour elle et pour moi afin de ne pas avoir à refaire ce travail pour moi-même, car je suis venue vers elle en ce jour déterminée à leur servir une résilience à la Cicely Tyson. Toutefois, je dois être consciente que cette personne ne sait peut-être pas ce qu’elle est sur le point de recevoir. Alors avant d’entamer une conversation avec une personne, je vais d’abord tester son énergie et déterminer la méthode à adapter avec elle pour que l’échange et le dialogue se passent sans accrocs. Parce que j’ai choisi d’interagir avec vous, je choisis la voie du dialogue. Et donc le fait que vous ne partagiez pas mes opinions n’est pas une raison suffisante pour m’empêcher d’entamer cette conversation ou pour que je me retire de la conversation. Je suis au-dessus de tout ça à présent. Et beaucoup de gens n’ont pas la capacité de franchir ce pas.
Hope Giselle (11:30) :
Je n’aurais de cesse de répéter qu’il est essentiel de bien choisir ses batailles, car toutes ne méritent pas d’être menées. Ainsi, après avoir analysé une situation, vous n’éprouverez aucune gêne à dire : « Vous savez quoi, aujourd’hui, je n’ai vraiment pas la force de remettre cette personne intolérante à sa place. Aujourd’hui, je n’ai pas l’énergie pour donner des leçons à cette personne raciste. Aujourd’hui, je n’ai pas la capacité de sensibiliser cette personne qui a été induite en erreur. » Faites cela, restez ferme dans votre décision et soyez-en satisfait.e. Par ailleurs, si vous voulez interagir avec les gens, si vous voulez avoir des conversations sur des sujets sensibles, il est tout aussi important d’être honnête envers vous quant à l’identité de interlocuteur.ice afin de pouvoir avoir une conversation productive. Et c’est un peu comme ça que je procède.
Aja Monet (12:15) :
Vous avez suivi ma conversation avec Hope Giselle, penseuse, autrice, activiste transgenre et conférencière extraordinaire. Pour en savoir plus, vous pouvez retourner écouter l’intégralité de notre conversation dans l’épisode 3 de la saison 1 de The Sound Bath. Restez à l’écoute. Nous démarrerons une toute nouvelle saison à l’automne 2022. N’oubliez pas de nous suivre sur toutes les plateformes sur lesquelles vous écoutez nos balados, afin de ne pas rater la nouvelle saison dès sa sortie. Je m’appelle Aja Monet. Je vous remercie très sincèrement de nous avoir écouté.e.s.

Balado The Sound Bath